A.− BOT. Plante herbacée pérenne à fleur labiée et à larges feuilles vertes très ornementales dont les espèces connues en Europe méridionale sont l'acanthe molle et l'acanthe épineuse (ou sauvage); appelée vulgairement branche-ursine, à cause de sa ressemblance avec une patte d'ours : 1. Les acanthes, dont le vert est glauque, ont des affinités avec l'eau azurée des fleuves; les ormes stériles, avec les roches; les myrtes, arbrisseaux de Vénus, avec les rivages de la mer qui l'ont vue naître; les vignes serpentantes en arcades, avec les courbes des collines; et les ifs hérissés, avec les givres de l'aquilon.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, pp. 118-119.
2. ... l'acanthe sauvage rampoit à leurs pieds, sur des débris...
F.-R. de Chateaubriand, Voyage en Amérique, en France et en Italie,t. 7, 1827, p. 249.
3. ... je m'étais cru transporté dans une planète obscure où se débattaient les premiers germes de la création. Du sein de l'argile encore molle s'élevaient (...) des acanthes tortillées autour des cactus...
G. de Nerval, Les Filles du feu,Aurélia, 1854, p. 278.
4. ... je traversais la Seine qui languit et se replie autour de ses îles, et je m'engageais dans les ruines solennelles du vieux château de Saint-Germain. L'aspect ténébreux des hauts portiques, où plane la souris chauve, où fuit le lézard, où bondit le chevreau qui broute les vertes acanthes, me remplissait de joie et d'amour.
G. de Nerval, La Pandora,1855, p. 735.
5. Les reflets bleus du lin à feuilles menues se mariaient au rouge écarlate d'un acanthus particulier à cette contrée.
J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 101.
6. Il [le cygne] dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Sully Prudhomme, Les Solitudes,Le Cygne, 1869, p. 17.
7. ... quelque vieille abbaye (...) sans un vestige de l'homme parmi ses pierres où le lierre ne grimpe même plus, ni l'acanthe, mais qu'embaument les lavandes sèches et les férigoules.
A. Daudet, Le Nabab,t. 1, 1877, p. 201.
8. Viens, dit-elle. Je vins.
Sa jeune taille était plus souple que l'acanthe;
Elle errait éblouie, idéale bacchante,
Sous des pampres divins.
V. Hugo, La Légende des siècles,t. 4, 1877, p. 573.
9. À la porte du jardin (...) que fleurissaient le lis et l'acanthe toujours verte...
A. France, La Révolte des anges,1914, p. 213.
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Spéc., MYTH. et REL. Feuilles d'acanthe dont est ceinte la tête des déesses, muses ou jeunes vierges de l'antiquité : 10. Voici la fête d'Olympie!
Tressez l'acanthe et le laurier!
V. Hugo, Odes et ballades,Le Chant de l'arène, t. 1, 1826, p. 298.
11. Ida! J'adore Ida, la légère bacchante;
Ses cheveux noirs, mêlés de grappes et d'acanthe,
(...)
A. de Vigny, Poèmes antiques et modernes,La Dryade, 1837, p. 124.
12. Et tu n'es pas la muse aux lèvres éloquentes,
La pudique Vénus, ni la molle Astarté
Qui, le front couronné de roses et d'acanthes,
Sur un lit de lotos se meurt de volupté.
Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes antiques,Vénus de Milo, 1852, p. 121.
13. Agavé, dont la joue est rose, Antonoé
Avec la belle Inô, ceintes de verts acanthes,
Menaient trois chœurs dansants d'ascétiques bacchantes
Sur l'âpre kythairôn aux mystères voué.
Elles allaient, cueillant les bourgeons des vieux chênes,
L'asphodèle, et le lierre aux ceps noirs enroulé, (...)
Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes antiques,La Mort de Penthée, 1874, p. 180.
Rem. Noter l'emploi de acanthe au masc. chez Leconte de Lisle, sans doute par influence du lat.
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P. méton. Distinction publique accordée à un écrivain : 14. ... ces personnes, de l'un ou de l'autre sexe, dites auteurs dramatiques, qui, privées à leur naissance (par une fatalité inconcevable!) de cette faculté, désormais insignifiante, que les derniers littérateurs s'obstinent encore à flétrir du nom de génie, sont néanmoins jalouses de s'offrir, contre espèces, les myrtes d'un Shakespeare, les acanthes d'un Scribe, les palmes d'un Gœthe et les lauriers d'un Molière.
Ph.-A.-M. de Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, La Machine à gloire, 1883, p. 78.