PAPELARD1,-ARDE, adj.
A. − [En parlant d'une pers.] Faux, hypocrite, sous une apparence doucereuse et affable. Bonhomme papelard et venimeux qui disait toujours des méchancetés, avec des airs contrits et dévots (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.234).[Les serviteurs], presque tous assez âgés, offraient des types extraordinairement laids et accusés de curés hypocrites, de confesseurs papelards (Proust, Guermantes 1, 1920, p.165).− Empl. subst. Lydwine attestant (...) la duplicité de cette papelarde qui n'insista pas d'ailleurs (Huysmans, Ste Lydwine, 1901, p.198).
− Vieilli. Faux dévot. Des gens sensés (...) n'aimaient pas l'extérieur d'affectation austère des prophètes (...). Qu'on se rappelle (...) les papelards du temps de saint Louis et l'antipathie qu'ils excitaient (Renan, Hist. peuple Isr., t.3, 1891, p.119).
B. − [En parlant d'un trait du comportement] Qui témoigne de ce caractère. Accent, air papelard; attitude, mine, voix papelarde: . La Croix a fait siennes toutes les âneries du quai d'Orsay, dont nous voyons présentement les «consolants» résultats. Sa lecture est positivement à vomir, tant pour le ton onctueux et papelard, que pour la déformation des idées et des textes que désapprouve l'Osservatore Romano.
L. Daudet, Brév. journ., 1936, p.107.
REM. Papelardement, adv.D'une manière papelarde. Allons, allons, dis-je papelardement, ne vous mettez pas dans ces états-là (Aymé, Confort, 1949, p.77).
Prononc. et Orth.: [papla:ʀ], fém. [-aʀd]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694-1798 uniquement au masc. Homon. papelard2. Étymol. et Hist. Ca 1190 subst. faire le papelart (Renart, éd. M. Roques, 8699); ca 1200 subst. papelarde (Auberée, 517 ds T.-L.); ca 1223 adj. pappelars, pappelart (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, I Mir 10, 511; 1876), (cf. Id., op. cit., 1 Mir 11, 1379: Tex fait devant le pappelart Qui par derriere pappe lart); 1310 adj. la papelarde religion (Gervais du Bus, Fauvel, 883 ds T.-L.). Orig. discutée. Papelart serait un dér. en -ard*: −d'apr. une 1rehyp., d'un verbe a. fr. *papeler «manger; marmonner (des prières)», lui-même dér. en -eler* du verbe a. fr. paper «manger» (ca 1223, Gautier de Coinci, supra), du lat. pappare «manger», d'orig. onomat. (papp- exprimant le mouvement des mâchoires pendant la mastication) le mouvement des lèvres marmonnant étant assimilé à celui de la mastication (G. Baist ds Z. rom. Philol. t.32, p.45); *papeler peut se déduire de papeloter «bavarder» relevé dans le dial. de Mouzon (Ardennes) par FEW t.7, p.585b, et est à rapprocher de l'a. fr. papeter, v. papoter; pour une dér. en -ard* à partir d'un verbe (voir l'objection d'ordre morphol. ds FEW t.7, p.587b, note 28, reprise par F. Koenig ds Rom. Philol. t.22, p.493) cf. au xiiies. grognard*, de grogner*; −d'apr. une 2ehyp., émise par F. Koenig, loc. cit., pp.492-97, papelart serait dér. de papel, papal* s'appliquant aux Ultramontains tenants du pape, vilipendés par divers aut. des xiie-xives., notamment pour leur hypocrisie; cette hyp. se heurte à une difficulté chronol., papal n'étant pas relevé av. le xives. (T.-L.; cf. Eustache Deschamps, V, 280, 5: Puis qu'il vint tant de cardinaulx, De compteurs, de divers papaulx...). L'hyp. selon laquelle papelart serait comp. d'une forme verbale de paper «manger» et de lard* en réf. à Gautier de Coinci, 1 Mir 11, 1379 supra (A. Jeanroy ds R. crit. hist. et litt., 1897, 1, p.367; Sain. Sources t.1, p.207) paraît à écarter, ce rapprochement ne représentant qu'un jeu de mots. Fréq. abs. littér.: 43.
DÉR. 1. Papelarder, verbea) Empl. intrans. Faire le papelard. (Dict. xixeet xxes.). b) Empl. trans., vieilli.
α) Flatter pour tromper. Oh! il aura beau le papelarder (...) la main de Cécile ne dépend ni du père ni de la mère (Balzac, Député d'Arcis, 1847, p.320).
β) Dire quelque chose d'une façon papelarde. Le vétérinaire ne disputait plus, il papelardait à l'oreille d'Honoré: −C'est une malchance (Aymé, Jument, 1933, p.291).− [paplaʀde], (il) papelarde [paplaʀd]. − 1resattest. 1260 intrans. (Rutebeuf, Le Sacristain, 404 ds OEuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t.2, p.225), 1847 trans. (Balzac, loc. cit.); de papelard1, dés. -er; cf. l'a. fr. papelardir, ca 1223 (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 1 Mir. 11, 1552, leçon du ms. S, xives.).
2. Papelardise, subst. fém.,littér. Caractère, manière d'agir d'une personne papelarde. Il interrogeait l'avenir avec malaise, inquiet de la place qu'il pourrait y creuser pour son adipeuse papelardise (Vercors, Sil. mer, 1942, p.11).La roublardise la papelardise et tous ces simulacres toutes ces mornes et sérieuses pitreries (Prévert, Paroles, 1946, p.136).− [paplaʀdi:z]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1resattest. 1503 (M. Menot, Sermons, éd. J. Nève, p.31 d'apr. FEW t.7, p.586a), 1606 (Nicot), qualifié de ,,bas burlesque`` par Rich. 1680, de ,,vieux mot`` par Fur. 1690 et Trév. 1704-71, de ,,fam.`` par Ac. 1798-1878; issu, par substitution du suff. -ise*, de l'a. fr. papelardie (dér. de papelard1, suff. -ie*; ca 1223, Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 1 Mir. 11, 1378, 1381) avec lequel il alterne encore au xviies. (1665, La Fontaine, Contes et nouvelles en vers ds OEuvres, éd. P. Clarac, t.2, p.586).
BBG. −Richard (W.) 1959, p.101, 105. _Sainéan (L.). Notes d'étymol. rom. Z. rom. Philol. 1906, t.30, pp.310-311.