1. [Le suj. désigne une entité abstr. ou une manifestation de l'activité humaine] Qqc.1mûrit.Prendre forme, se développer, atteindre un certain degré d'élaboration. Ayez du courage, renoncez pendant deux ou trois années à vos travaux et à vos pensées. Le problème mûrira, je vous aurai amassé l'argent nécessaire pour le résoudre et vous le résoudrez (Balzac, Rech. absolu,1834, p. 280).Le complot mûrissait lentement (...). Florent, qui, dans les premiers temps, éprouvait une sorte de méfiance, finit par croire à la possibilité d'un mouvement révolutionnaire (Zola, Ventre Paris,1873, p. 751).Pendant plusieurs jours je sens mûrir en moi la détresse d'une amitié qui se brise (Mounier, Traité caract.,1946, p. 292):6. ... tout va porter les Alliés à frapper au lieu de subir. Une action de grande envergure se prépare en Occident. Je vois mûrir cette entreprise. Assez seul au milieu de partenaires très entourés, bien pauvre parmi les riches, je suis bercé par l'espoir, mais aussi rempli de soucis, car, au centre de l'opération, il y aura de toute façon la France.
De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 1.
SYNT. Affaire, décision, idée, pensée, processus, projet (qui) mûrit; affection, aspiration, sentiment (qui) mûrit; don, qualité, talent (qui) mûrit.
♦ Avec compl. prép. Je fis sa connaissance. Cette connaissance mûrit bien vite en amitié, − car il y avait, certes, dans le cher reclus, de quoi exciter l'intérêt et l'estime (Baudel., Hist. extr.,1856, p. 76).L'histoire est, prise en elle-même, cette connaissance infiniment subtile qui mûrit lentement dans l'esprit de l'historien (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 284).
− Au part. passé, avec compl. prép. Ce petit homme bilieux n'était guère plaisant. Pourtant elle l'attirait. Elle estimait très haut son ironie profonde, sa fierté sauvage, son talent mûri dans la solitude (A. France, Lys rouge,1894, p. 12).Une réunion publique, s'accroche à un détail, modifie à la légère un projet mûri par la réflexion de gens qui s'y connaissent : c'est ainsi que toutes les lois sont votées (Renard, Journal,1906, p. 1089).Le romantisme français eut avant tout des origines françaises; comme toujours, les « influences » n'ont fait que faciliter et autoriser l'éclosion de germes longuement mûris dans le sol national (Béguin, Âme romant.,1939, p. 327).
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Emploi factitif. Faire mûrir un projet. Il ne pressait pas les confidences; il faut les laisser mûrir et crever comme des abcès à point (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 112).Ces remarques (...) montrent que le problème n'est point aussi simple qu'on le croit communément; elles mènent à réfléchir. Laissons donc mûrir un peu ce problème (Jeux et sports,1967, p. 55):7. La synagogue (...) attend, avec un vif espoir, que la providence et (...) son propre effort de pureté, de justice, et d'humanité, fassent mûrir le messianisme authentique qui unira en un faisceau tous les cœurs croyants et toutes les bonnes volontés.
Weill, Judaïsme,1931, p. 222.
♦ Absol. Je me sauve!... Nous laissons mûrir... C'est convenu! À tout à l'heure! (Sardou, Rabagas,1872, i, 5, p. 14).
− Emploi pronom. passif. Qqc.1se mûrit.Il a fallu que j'arrivasse à trente ans, que mes observations se soient mûries et condensées (...) pour que je comprisse la portée des phénomènes desquels je fus alors l'inhabile témoin (Balzac, L. Lambert,1832, p. 49).Je travaille à une grande fresque qui doit évoquer l'antiquité (?), Hélène, mais vous connaissez que je suis poète de quatrième ordre et pavé de bonnes intentions. Je veux faire aussi quelque chose pour vous tout seul. Cela se mûrit (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1891, p. 72).
2. Qqn2mûrit qqc.1Développer, donner forme, élaborer. Il faut sans doute moins de patience et moins d'effort pour mûrir un art qu'il n'en faut ensuite pour l'empêcher de se corrompre (Gide, Journal,1921, p. 700).Toujours en état de subordination et parfois d'humiliation sociale, l'homme de condition modeste mûrit très tôt un complexe d'infériorité qui l'embarrassera toute son existence durant (Mounier, Traité caract.,1946, p. 89):8. Se conduire par caprice consiste à osciller mécaniquement entre deux ou plusieurs partis tout faits et à se fixer pourtant enfin sur l'un d'eux : ce n'est pas avoir mûri une situation intérieure, ce n'est pas avoir évolué; c'est, si paradoxale que cette assertion puisse paraître, avoir plié la volonté à imiter le mécanisme de l'intelligence.
Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 47.
SYNT. Mûrir une aversion, une conviction, un dessein, une évidence, une idée, un jugement, une parole, une pensée, un plan, un problème, un projet, une réplique, une résolution, une théorie; mûrir son bonheur, sa destinée.