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CARRÉ1, ÉE, adj.

CARRÉ1, ÉE, adj.
I.− Qui a ou dont une partie ou dont la section a la forme d'un quadrilatère.
A.− GÉOM. Qui a la forme d'un quadrilatère aux angles droits et aux côtés égaux. Carré ou polygonal, carré ou rectangulaire.
Spéc. Centimètre, kilomètre, mètre carré. Mesure de surface équivalant à un carré ayant pour côté la mesure de longueur considérée. Des « camarades » disposeront des cubes d'air et des mètres carrés auxquels nous n'auront plus droit (Mauriac, Journal 1,1934, p. 67).
Rem. On rencontre au xixes. les syntagmes pied, pouce carré; lieue, toise carrée.
[P. anal. avec le calcul de la surface d'un carré] ARITHM. Nombre carré. Produit de la multiplication d'un nombre entier par lui-même. Racine carrée d'un nombre. Nombre qui, multiplié par lui-même, est égal au nombre considéré. Trois est la racine carrée de neuf; quatre est la racine carrée de seize (Ac. 1798-1932); extraire la racine carrée d'un nombre, extraction de la racine carrée.
B.− P. ext. Qui est quadrangulaire, qui a approximativement la forme d'un carré géométrique. Enceinte, fenêtre, porte carrée :
1. ... Rome fut d'abord carrée (Roma quadrata); la même forme se distingue aujourd'hui encore dans les enceintes primitives de plusieurs des plus anciennes villes de l'Étrurie. Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 52.
1. En partic.
a) HIST. MILIT. (infanterie). Bataillon carré. Bataillon disposé en carré de manière à faire face à l'ennemi de quatre côtés. Former un bataillon carré.
P. métaph. :
2. Et sur l'Académie, aïeule et douairière, Cachant sous ses jupons les tropes effarés, Et sur les bataillons d'alexandrins carrés, Je fis souffler un vent révolutionnaire. Hugo, Les Contemplations,Réponse à une accusation, t. 1, 1856, p. 51.
b) JEUX. Mots carrés. Jeu consistant à trouver, à partir de définitions proposées, un ensemble de mots de même longueur, disposés en carré, généralement suivant un principe de symétrie, chaque ligne horizontale représentant un mot que l'on retrouve sur son homologue vertical. Tous les jeux, les échecs comme le bridge et les mots carrés, ont une infinité de solutions vraies (Alain, Propos,1932, p. 1062).
c) MAR. [En parlant d'une voile] Voile quadrangulaire dont les vergues sont perpendiculaires au mât d'un navire. Hunier carré (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 174).
P. ext. Trois-mâts carré. Navire dont les trois mâts sont gréés avec des voiles carrées (cf. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Le Port, 1889, p. 1329).
d) MUS. Notation carrée. Notation de musique ancienne subsistant dans la musique grégorienne, où les notes sont représentées par de petits quadrilatères. La notation carrée a puisé ses principaux signes de durée dans les neumes (E. de Coussemaker, Hist. de l'harmonie au Moy.-Âge,1852, p. 185).
2. P. méton.
a) [En parlant d'un volume, d'un solide] Dont la base, la section ou l'une des faces a approximativement la forme d'un carré géométrique. Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours des cerceaux dorés (Apollinaire, Alcools,Saltimbanques, 1913, p. 90):
3. Ce particulier portait un paquet, quelque chose de carré, comme une grande boîte ou un petit coffre. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 441.
SYNT. Bâtiment, clocher, donjon, salon carré; muscle carré; boîte, chambre, maison, pièce, salle, tour carrée.
En partic. Bonnet carré. Bonnet à base quadrangulaire, porté autrefois par les docteurs, les professeurs, les juges et les ecclésiastiques :
4. Il y a aussi un moyen de faire effet dont les prédicateurs ordinaires se servent assez souvent, c'est le bonnet carré qu'ils portent sur la tête; ... Mmede Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 129.
Carré de base comme de hauteur. Cubique. Louloup était un petit homme, carré de base comme de hauteur; véritable cube de chair humaine (Balzac, Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 25).
P. métaph. :
5. Ce qui était le plus désirable et tirait aussitôt quelqu'un hors de ligne, c'est que chez lui l'esprit ou le talent fût en équilibre avec le caractère ou le courage : c'est ce qu'il [Napoléon] appelait être carré autant de base que de hauteur. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 238.
6. ... c'est [Cromwell] un des plus compliqués et des plus complets [des hommes] en son genre, le plus complet peut-être et le plus carré par la base qu'il y ait eu. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 8, 1863-69, p. 102.
b) Dont les contours sont à angle droit.
[En parlant d'un vêtement] Habit carré, redingote carrée. Vêtement ample, non cintré :
7. Les hommes portaient de longues redingotes carrées, (...) qui tombaient jusqu'aux talons et qui dessinaient si peu la taille que mon frère, en endossant la sienne à Nohant, m'avait dit en riant : (...). Le tailleur prend mesure sur une guérite, et ça irait à ravir à tout un régiment. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 81.
[En parlant d'une pers., de certaines parties du corps] Large, épais. Il [un inconnu] avait d'épaisses mâchoires carrées de cannibales (Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 63).
Visage carré, tête carrée; carré des épaules, carré d'épaules :
8. C'était un grand prêtre lorrain, à larges pieds, carré d'épaules, le teint halé et le regard dur, mais accueillant quand même, et qu'on sentait plein de vie. Benjamin, Gaspard,1915, p. 37.
II.− P. anal. [P. réf. à la forme ou aux propriétés du carré]
1. [P. réf. à la configuration quaternaire du carré]
a) MUS. Phrase carrée. Phrase constituée de quatre mesures égales, ou d'un nombre de mesures multiple de quatre. P. ext. Rythme carré, mélodie carrée. Obéissant à un principe de symétrie, dont la mesure est bien marquée. Pour qu'une mélodie fasse fortune, chez nous, il faut qu'elle soit carrée, bien vulgaire, facile à retenir (Coppée, Mon franc-parler I,1894, p. 94).
P. anal., RHÉT., STYL. Vers carré; période, phrase carrée. Composé de quatre membres égaux :
9. Comme tout le monde ne sait plus aujourd'hui ce qu'était une période à quatre membres, je me permets de rappeler brièvement les théories alors [dans la 2emoitié du xviiesiècle] classiques : on appelle période carrée celle qui a ses membres de dimensions à peu près égales, de sorte qu'ils paraissent former un carré. La période arrondie est celle qui est composée de quatre membres tellement bien unis entre eux, et se répondant si bien les uns aux autres, que ceux qui suivent peuvent être mis à la place de ceux qui précèdent, sans que le même sens et la beauté du discours en souffrent. Brunot t. 4, p. 1157.
P. ext. Construit selon un principe de symétrie. Toutes ces phrases carrées rendent un son admirable, le son d'une chose pleine et solide (Green, Journal,1931, p. 46).
b) Vx. [À l'anc. jeu de brelan] Brelan carré. Brelan de trois cartes de même valeur que la retourne. Que diriez-vous d'un joueur assez généreux pour prévenir les autres qu'il a brelan carré! (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 717).
c) Fam. Partie carrée. Partie de plaisir entre deux hommes et deux femmes :
10. Fernande lui donnait toutes les explications [à Renée]. Elle l'entraînait en riant dans des hôtels borgnes pour y faire des « parties carrées ». « Ça te dessale, » expliquait-elle. Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 139.
P. ext. Société de quatre personnes. Ce théâtre, où l'on venait en partie carrée, au sortir d'un dîner fin (A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 233).
2. [P. réf. aux propriétés de symétrie du carré; en parlant d'un tissu, d'une toile] Qui a le même nombre de fils en chaîne qu'en trame et par conséquent le même coefficient de résistance (cf. H. de Graffigny, Les Industr. du caoutchouc, 1928, p. 160).
III.− Au fig.
A.− [En parlant d'une pers., de son caractère] Résolu, solide, honnête. Bon sens carré, volonté carrée; être carré en affaires. C'est que nous sommes des gens carrés en affaires! Nous payons rubis sur l'ongle (Farrère, L'Homme qui assassina,1907, p. 44):
11. ... le caractère de l'homme [le comte de Maistre] est si carré, si vigoureux et énergique que (...) je ne puis m'empêcher de l'aimer. Mérimée, Lettres à Mmede La Rochejacquelein,1870, p. 194.
SYNT. Égoïsme carré; franchise, simplicité carrée.
Emploi adv. Maintenant, réponds carré. As-tu de la mémoire? (G. d'Esparbès, La Grogne,1905, p. 15).
B.− [En parlant des actes d'une pers.] Net, direct, franc. C'était carré comme menace (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 607).
C.− Vieilli. Tête carrée. Personne au jugement solide et cohérent. Il [Stendhal] a de la prétention à être rangé au nombre des têtes carrées, des têtes mathématiciennes (Delécluze, Journal,1828, p. 424).
(Plus ou moins) péj., usuel. Personne entêtée, obtuse :
12. Petite espèce humaine à tête carrée, tu raisonnes pantoufle. Vois-tu clair au fond des cœurs? Comprends-tu déjà toutes les choses? Renard, Poil de Carotte,1894, p. 286.
Prononc. et Orth. : [kaʀe] ou [kɑ ʀe]. [a] ant. ds Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; cf. aussi ds Nod. 1844 et Littré. [ɑ] post. ds Barbeau-Rodhe 1930 et Warn. 1968; cf. aussi ds DG. Pour [ɑ] cf. encore Grammont Prononc. 1958, p. 32 et Kamm. 1964, p. 97. [a] ou [ɑ] ds Passy 1914 et Pt Rob. Ac. 1694 : quarré ou carré; Ac. 1718 et 1740 : carré ,,plusieurs écrivent quarré``. Ac. 1762 et 1932 : carré; Ac. 1798-1878 consacrent encore à quarré une vedette de renvoi à carré. Étymol. et Hist. 1. 1121-35 fig. « largement développé, fort (d'un inanimé) » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 33 ds T.-L.); a) 1671, 6 mai « id. (d'une personne) dont le caractère est nettement tranché, fermé » (Sév. 164 ds Rob. : mon esprit juste et carré); cf. 1802 vertu carrée (Législation primitive, p. 306); 1844 un bon sens carré (Balzac, La Muse du département, p. 164); b) 1817 « dont le caractère est nettement tranché (d'un objet) » (Stendhal, Hist. de la peint. en Italie, t. 1, p. 83); c) 1774, 26 juin tête carrée « personne obstinée » (P.-A. de Beaumarchais, Lettre ds Œuvres complètes, Paris, L. Collin, t. 1, 1809, p. 265); 1850 une niaiserie carrée (Balzac, Les Petits bourgeois, p. 40); 2. a) ca 1170 « dont la section est carrée » (Aiol, éd. W. Foerster, 667 ds T.-L. : l'anste al fer quarré); cf. fin xiiies. (St Brendan, éd. C. Wahlund, 41, 15, ibid. : quaree autant de lonc que de lé); en partic. 1606 bonnet quarré (Nicot, s.v. quarré); 1679 figure quarrée (Rich., ibid.); 1690 fig. homme quarré, visage quarré (Fur., ibid.); b) 1690 arithm. racine quarrée (ibid.); 1694 nombre quarré (Corneille, s.v. quarré); 3. 1694 « qui forme un angle droit » (ibid. : Faire le trait quarré (...) élever une ligne perpendiculaire sur une autre ligne); 1831 mar. voiles carrées « voiles en trapèze qui se fixent aux vergues en croix sur les mâts » (Will.); av. 1867 alphabet carré « dont les lettres à angles droits s'inscrivent dans un carré » (Renan ds Lar. 19e). Du lat. quadratus (part. passé de quadrare, carrer*), au sens 1 (Suétone, Vesp. 20 ds Forc., s.v. quadro), au sens 2 (Varron apud Pline, 36 Hist. nat., 13, 19, ibid. : quadrata basis); au sens 3 (Id., 17 Hist. nat., 11, 16, ibid. : quadrati anguli; Pétrone, Satyr., 29, ibid. : quadrata littera). Bbg. Duch. 1967, § 45-4. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 143, 309.

CARRÉE, subst. fém.

CARRÉE, subst. fém.
A.− Vx. Couronne, cadre de bois où sont suspendus les rideaux ou les draperies d'un lit; p. anal., châssis garni de toile formant le fond d'un cadre.
B.− Note de musique ancienne de forme carrée, encore utilisée en grégorien, valant deux rondes actuelles (cf. M.-G.-A. Savard, Principes de la mus. et méthode de transposition, 1886, p. 153).
C.− Arg., en partic. milit., et pop. Chambre, chambrée :
Quand nous arrivâmes dans la carrée... Autour du poêle... les « exempts » se chauffaient, ils avaient bien su se débrouiller et dégoter du combustible. P. Vialar, La Mort est un commencement,Les Morts vivants, 1947, p. 88.
Prononc. et Orth. Cf. carré1. Étymol. et Hist. 1. xiiies. « ardoise estimée des carrières d'Anjou » (Clef d'Amour ds Delb. Rec. ds DG : Noire comme carrée); 2. 1642 « cadre, châssis de bois » (Invent. de Gilette Prévost, greffe de Saint-Malo ds Havard : Plus quattre tableaux à l'huille, avecq leurs carrées, tant grands que petits, etc.); 3. 1768 mus. (J.-J. Rousseau, Dict. de mus., p. 399 : Quarrée ou Breve [...] sorte de Note [...] qui tire son nom de sa figure); 4. 1878 arg. (L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, p. 71 : [Les ouvriers]. Carrée. Chambre). Fém. substantivé de carré1*. Fréq. abs. littér. : 976. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 295, b) 1 833; xxes. : a) 2 028, b) 842. Bbg. Grimaud (F.). Pt gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1969, p. 111. − Sain. Lang. par. 1920, p. 176.

CARRER, verbe trans.

CARRER, verbe trans.
I.− Emploi (surtout) trans.
A.−
1. ARITHM. [P. réf. au calcul de la surface d'un carré] Élever un nombre au carré, le multiplier par lui-même.
Au fig. Rendre plus intense. L'opium absorbe toutes les forces humaines, (...) il les prend, les carre ou les cube (Balzac, Œuvres diverses,t. 2, 1850, p. 576).
[Au jeu de la bouillotte] Se carrer. S'assurer la priorité sur un adversaire en doublant sa mise.
2. GÉOM., vx. Convertir une surface en un carré équivalent. On pourrait faire usage du calcul des probabilités, pour rectifier les courbes ou carrer leurs surfaces (P. Laplace, Théorie analytique des probabilités,1812, p. 359).
B.− Rendre carré, donner une forme carrée (à quelque chose). Carrer un bloc de marbre (Ac. 1798-1932) :
1. ... elle [la princesse] nous raconte la création successive de cette propriété, les 18 arpents primitifs devenus 82 arpents, l'acquisition de Catinat, les 9 arpents à conquérir pour la carrer. E. et J. de Goncourt, Journal,1866, p. 292.
Spécialement
1. HIST. MILIT., vx. Former (un bataillon, une troupe) en carré.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. du xixes. ainsi que ds Rob.
2. Carrer les épaules, le buste :
2. ... il carrait les épaules, redressait et dilatait le buste, (...); il s'imaginait toujours que sa structure physique avait la même apparence de vigueur que l'expression voulue de ses traits. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 969.
II.− Au fig.
A.− Usuel. Se carrer.
1. Développer toute sa carrure physique, et/ou se donner toute son importance morale :
3. ... elle [Brulette] mettait Charlot sur les genoux du grand-père, et me faisait danser avec elle, en chantant, riant et se carrant comme si toute la paroissée eût été encore là pour la regarder... G. Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 240.
4. Il y avait encore Barrada, le canonnier, (...). Et puis le Hello, Barazère, six autres du grand mât et quatre du beaupré, − tous se carrant, avec des airs superbes, dans des robes asiatiques. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 122.
P. anal. S'étaler largement. Un potager de briques se carrait devant la fenêtre (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 176).
2. S'installer dans toute sa largeur, s'enfoncer confortablement dans un large siège. Se carrer dans un fauteuil. Il [le dominicain] ne se carrait pas dans les fauteuils; il s'y posait droit (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 168).
P. métaph. :
5. ... il [Andoche] semble se carrer, s'installer dans son bavardage, sans grand souci des auditeurs et comme s'il ne cherchait, (...) qu'à satisfaire une volupté personnelle. R. Martin du Gard, La Gonfle,1928, I, 1, p. 1172.
Emploi trans. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Planter confortablement. Il [Matelot] avait carré ses coudes d'aplomb sur la table (Giono, Le Chant du monde,1934, p. 244).
B.− Emplois arg. ou fam.
1. Emploi trans. Placer, enfoncer solidement. Les deux frangins lui carrèrent leurs rapières dans le bidonnard (L. Stollé, Contes,Barbe-bleue, 1947, p. 2).
En partic.
a) Mettre de l'argent de côté, économiser. Carre donc pour ne pas tomber dans le lac (Hogier-Grison, Les Hommes de proie,Le Monde où l'on vole, 1887, p. 302).
b) Cacher, dissimuler. Les viocs y ont carré des ronds (Marcus, 15 fables célèbres,1947, p. 6).
Emploi pronom. On s'carre à l'abri (Barbusse, Le Feu,1916, p. 140).
c) Voler à la carre (infra carre dér. 2), par escamotage :
6. Ils vont un ou deux pour changer de l'argent contre de l'or ou de l'or pour de l'argent, et pendant le change ils carrent quelques pièces. J.-J. Clémens, Écrits composés au bagne de Rochefort, t. 1, 1876, p. 410.
2. Emploi pronom. Se carrer, se carrer à toutes pompes. Se mettre à l'abri en s'enfuyant. Il a fallu qu'on se carre en trombe (Céline, Mort à crédit,1936, p. 530).
Au fig. Se carrer de qqc ou de qqn. Éviter quelque chose ou quelqu'un, s'en méfier. Mais carre-toi du Pass'Lacet / Y t'accroch'rait à son bidet (Hogier-Grison, Les Hommes de proie,Le Monde où l'on flibuste, 1887, p. 326).
Prononc. et Orth. : [kaʀe] ou [kɑ-], (je) carre [ka(ɑ):ʀ]. [a] ant. ds Dub. et Lar. Lang. fr., cf. aussi Nod. 1844 et Littré; [ɑ] post. ds Warn. 1968, cf. aussi Fér. Crit. t. 1 1787 (qui recommande de prononcer r forte), Land. 1834, Gattel 1841 (r forte également), Fél. 1851 et DG; [a] ou [ɑ] ds Passy 1914 et Pt Rob. Ac. 1694-1740 : quarrer; Ac. 1762-1878 : carrer mais consacrent encore une vedette de renvoi à quarrer. Pour le terme d'arg. : s'écrit avec 1 ou 2 r. Pour la graph. avec 2 r cf. supra. Pour la graph. avec 1 seul r cf. F. Vidocq, Les Voleurs, 1836, p. 56; Bruant 1901, p. 291, 331; cf. encore L. Larchey, Dict. hist. d'arg., 2eSuppl., 1883, p. 29 qui, s.v. carer, renvoie à carrer. Étymol. et Hist. 1. 1180-1200 « donner une section carrée » (Aliscans, éd. Guessard et A. de Montaiglon, 102 ds T.-L.); 1504 carrer (J. Bouchet, Regnars traversans, fo41a ds Gdf. Compl.); 2. 1549 math. (J. Peletier, L'Aritmetique, fo54 rods Quem. Fichier); cf. aussi 1765 (Encyclop. t. 13, s.v. quarrer); 3. a) 1606 se quarer « prendre une attitude d'importance et de satisfaction » (Nicot); b) 1831 se carrer dans qqc. « s'installer confortablement dans quelque chose » ici fig. (Balzac, Maître Cornélius, p. 236 : Le grand-prévôt qui se promenait de long en large dans la cour, vint à pas lents, comme un chien qui se carre dans sa fidélité); cf. 1833 se carrer dans un fauteuil (Mérimée, Mosaïque, p. 119); c) 1803 jeux (Wailly Vocab. : Carrer (se) ... au jeu de bouillotte, ouvrir le jeu avant d'avoir vu ses cartes, en mettant devant soi un enjeu qui excède la mise générale); 4. a) 1835 arg. « cacher » (Raspail ds Le Réformateur ds Esn. : [Une fille :] J'ai carré dans mon faux-derrière); 1844 se carrer « se cacher » (Dict. de l'arg. mod., p. 26); b) 1866 se carrer « se sauver » (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, p. 63 : Se carrer de la débine, se tirer de la misère). Du lat. quadrare au sens 1 (Col. ds Gaffiot); à rapprocher de 3 : carre* étymol. 3 « carrure »; 4 est prob. dér. de carre* étymol. 1 « cachette », issu du sens de « coin », lui-même déverbal de carrer au sens 1. Fréq. abs. littér. : 78.
DÉR. 1.
Carrement, subst. masc.[Correspond à carrer II A] Région. Mouvement qui ramène deux couples face à face en dansant la bourrée. Il [l'étranger] ne dansait pas de la même manière que nous autres encore qu'il s'accordât très-bien à nos carrements et à notre mesure (G. Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 92).Rem. Guérin 1892 enregistre un subst. région. de sens voisin : ,,pause en musique``. 1reattest. 1853 supra; de (se) carrer au sens dial. (Centre, Jaub. et G. Sand, La Petite Fadette, p. 125) de « (dans la bourrée) changer de place avec sa danseuse », suff. -ement (-ment1*).
2.
Carre, care, subst. fém.[Correspond à carrer II B] Arg. Cachette. Pour les diams, Paulo avait trouvé une carre increvable (A. Simonin, Le Pt Simonin ill.,1957, p. 73).P. ext. Vol à la carre,p. ell. carre (vx). Vol par escamotage dans les magasins. Les Romanichels (...) ont exercé avec beaucoup d'habileté le vol à la carre (F. Vidocq, Les Voleurs,1836, p. 68). Ds Ac. 1835 et 1878, s.v. carre mais avec également un renvoi à quarre. Ds Ac. 1932 s.v. carre uniquement. Le terme d'arg. s'écrit aussi bien avec 1 ou 2 r (cf. Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au Dict. de Delesalle, 1900, p. 58 et Bruant 1901 qui admettent les 2 graph.). 1reattest. 1835 (Raspail, Le Réformateur ds Esn.); déverbal de carrer.
BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 93, 124, 253, 338. − Guiraud (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t. 11, no2, p. 47 (s.v. carre). − Quem. 2es. t. 4 1972, p. 46. − Rigaud (A.). La Vraie cour des Miracles. Vie Lang. 1969, p. 21 (s.v. cachette). − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 157, 188.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·