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RUINE, subst. fém.

RUINE, subst. fém.
I.
A. −
1. Effondrement partiel ou total d'une construction ou d'un ensemble d'édifices à la suite d'une dégradation naturelle, d'une destruction volontaire ou accidentelle. Synon. destruction.Ruine d'un château, d'une maison, d'une tour, d'une ville; achever, causer, entraîner, provoquer la ruine d'un édifice. Après la ruine du premier [temple de Balbek] par un tremblement de terre, on construisit le second sur le même modèle (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 171).Où il y avait ruine, on releva les débris; où il y avait ébranlement, on consolida l'assise (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 235).
Loc. Battre en ruine (vx). V. battre I A 1 c.Menacer ruine. V. menacer II D.
2. P. ext. Destruction partielle ou totale d'une chose. Jeter, semer la ruine. On ne saurait s'empêcher de présager, sur ce théâtre si fécond en ruines [le cirque de Barège], de nouvelles et subites catastrophes (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 195).La mort est inscrite dans les hommes, la ruine est inscrite dans les choses (Sartre, Sursis, 1945, p. 22).
En partic. Dévastation d'un lieu, de ses richesses par l'homme ou par une force naturelle. Ruine d'une contrée; ruine de la végétation, d'une récolte. [Mouret] ne reconnaissait plus le jardin. Les buis avaient disparu (...). Quelle faux avait passé là, rasant tout (...)? Un sourd grondement montait en lui, en face de cette ruine (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1192).Sans doute la pression des populations n'a pas été telle en France que le déboisement ait entraîné la ruine d'importantes régions (Forêt fr., 1955, p. 4).
3. P. anal.
a) Vieilli. Mort d'une personne. Synon. destruction (voir ce mot A 3 b).Bossuet (...) penchait vers sa ruine qu'il avait annoncée avec une simplicité si magnifique (Chateaubr., Rancé, 1844, p. 278).
b) Dégradation physique accentuée d'une personne, de son état de santé ou d'une partie de son corps. Synon. déchéance, décrépitude, délabrement, destruction (voir ce mot A 2).Ruine de la santé; ruine du corps. J'assiste à la dissolution d'un ami qui s'en va d'une syphilis mal connue et la ruine de cet individu (...) est assez glaçante (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1893, p. 188).Toussaint (...) ne paraissait avoir ses cinquante ans que lorsqu'on s'arrêtait à la ruine de sa face ronde et cuite, crevassée, mangée par le travail (Zola, Paris, t. 1, 1897, p. 185).
B. − Au fig.
1. Altération profonde, désagrégation (d'une chose abstraite) aboutissant à sa disparition; p. ext., destruction soudaine et complète de quelque chose. Synon. anéantissement, décadence, écroulement, effondrement.
a) [Le compl. désigne une structure, un système] Ruine de la famille, de la société; ruine d'un état, d'un gouvernement, d'un système; ruine d'une doctrine, d'une institution, d'une théorie. Les invasions barbares, la ruine de la civilisation antique (P. Lavedan, Urban.1926, p. 124).
b) [Le compl. désigne une idée, un sentiment, une valeur] Ruine d'une croyance, d'une espérance, d'une illusion, d'une passion, d'une réputation. Cette ruine totale et de mes efforts et de mon bonheur m'abattit enfin sous la sensation sans pareille d'un néant complet (Fromentin, Dominique, 1863, p. 145).[Les philosophes] détournent leurs regards de vierges du monde où se consomme réellement la ruine de la liberté (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 114).
2.
a) Ruine (morale) de qqn. Déchéance morale de quelqu'un. Synon. destruction (v. ce mot B 3), perte (voir ce mot I B).La lutte éternelle du bien contre le mal, la ruine des méchants, l'apothéose des justes (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 230).Alors le coq chanta. L'homma baissa la tête et (...) s'assit sur une marche en face du spectre blanc de sa ruine (Cocteau, Appogiatures, 1953, p. 16).
Courir à sa ruine. V. courir I B a.
b) Perte des biens, de la fortune; effondrement financier d'une ou de plusieurs personnes physiques ou morales. Synon. naufrage.Ruine d'un industriel, d'une société; travailler à sa ruine; être au bord de la ruine; être menacé d'une ruine totale. Pour ce vénérable émigré, ni l'exil, ni la ruine, ni la destruction de ses proches (...) ne l'avertissaient de la révolution (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 497).Un fléau terrible, la grêle, accéléra leur ruine (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 178).
II. − P. méton.
A. −
1. Au sing. ou au plur.
a)
α) Construction ou ensemble d'édifices partiellement ou totalement écroulés. Une immense et admirable ruine profilant sur le ciel des tours, des murs écroulés, toute une bizarre architecture de citadelle morte (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Chats, 1886, p. 1062).Des maisons écroulées ou (...) en démolition, de ces ruines (...), montrant dans une coupe verticale les papiers peints et les vestiges d'une vie privée (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 176).
SYNT. Ruine mélancolique, pittoresque, romantique, sinistre; ruines abandonnées; ruines antiques, féodales, gothiques, romaines; belles, vieilles ruines; ruines de guerre; champ, océan de ruines; découvrir une ruine; être enseveli sous les ruines; relever des ruines, visiter des ruines.
Locutions
Vieilli. Pierre de ruines. Pierre ruiniforme (v. ce mot B). (Dict. xixes.).
HIST., LITT. Sentiment des ruines. Mélancolie que les ruines ou leur représentation inspiraient aux romantiques. (Ds Lar. Lang. fr.).
Loc. adj. En ruine(s). (À demi) effondré. Mur en ruine. Sur les barricades en ruine, il restait des omnibus, des tuyaux de gaz, des roues de charrettes (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 169).Le récit est conduit vers les restes d'Herculanum (...), vers des édifices en ruines (Durry, Nerval, 1956, p. 71).
Loc. verb. Tomber en ruine(s). Se trouver dans un état de complet délabrement, s'écrouler. La chapelle n'existait plus; les tourelles s'étaient éboulées; la façade tombait en ruine (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 34).Dans la pratique la commune se désintéressera de l'église, l'édifice tombera en ruines (Barrès, Cahiers, t. 5, 1906, p. 49).P. anal., vieilli. [Le suj. désigne un vêtement] Tomber en loques. Pas d'argent, et, par conséquent, pas de quoi renouveler ses vêtements qui tombaient en ruines (Kock, Ficheclaque, 1867, p. 205).
P. exagér. Maison vétuste et délabrée. Retaper une ruine. Elle habitait (...) une ruine au sommet d'un mont absolument désert sur la côte de Corse (Maupass., Contes et nouv., Ermite, 1886, p. 1052).Nos amis ont acheté une ruine en Provence; ils l'ont fait réparer et c'est maintenant une charmante maison de campagne (Dub.).
P. méton., BEAUX-ARTS
DÉCOR. Ruine (factice, postiche). Construction en forme d'édifice effondré destinée à orner un parc ou un jardin à l'anglaise. Ç'a été, il y a quelques années, la mode d'orner les jardins anglais de ruines postiches (Besch.1845-46).Il a orné son jardin de ruines fort pittoresques (Ac.1835-1935).
GRAV., PEINT. Représentation d'édifices en ruines ou de paysages comportant de tels édifices. Peintre de ruines. Les ruines de ce peintre sont fort estimées (Ac.1835, 1878).L'artiste [Hubert Robert] qui a inventé la ruine spirituelle, le crayonneur agréable (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 142).
β) P. ext., surtout au plur. Important dégât matériel résultant d'une cause violente (catastrophe naturelle, guerre etc.). Synon. destruction, dévastation, ravage.Ruines d'un cataclysme, d'un tremblement de terre; constater l'ampleur des ruines; mesurer l'étendue des ruines. C'était la destruction, tout ce que la guerre peut faire d'abominables ruines, quand elle passe, dévastatrice, en furieux ouragan (Zola, Débâcle, 1892, p. 415):
Quand la masse [d'une avalanche] emportée sur les pentes, suivie et précédée des ruines qu'elle entraîne, vient à fondre dans les vallons, c'en est fait: vous y chercheriez en vain les moindres vestiges des habitans et de leurs troupeaux. Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 107.
Au fig. [Le suj. désigne une ville, un pays] Renaître, se relever de ses ruines. Revivre après un cataclysme, un désastre. Synon. renaître* de ses cendres.Sion se relevoit de ses ruines (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 342).Une France qui renaît de ses ruines (L. Febvre, Conq. du Midi par la lang. fr., [1924] ds Combats, 1953, p. 179).
γ) Au fig., surtout au plur. Destruction d'ordre moral ou social. Synon. destruction, ravage.C'était dans notre foyer que les ruines causées par Silbermann étaient le plus sensibles. Là, tous mes dieux étaient renversés. Les idées en honneur, (...) notre conception du beau, tout avait perdu son prestige (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 170).
b) Ruine (humaine). Personne physiquement et parfois intellectuellement dégradée par l'âge ou la maladie. Synon. débris (voir ce mot B 1 c), décrépit, délabré (voir ce mot II B 1).Pauvre, vieille ruine; devenir une véritable ruine; ce n'est plus qu'une ruine. J'ai vu Raymond hier. (...) Quelle ruine! Maigre, voûté, il a les mains recouvertes d'écorce, les dents noires, les yeux éteints. Il est vieux (Renard, Journal, 1896, p. 336).Je songe à Renoir, ruine humaine, ossifié, déjeté par le rhumatisme, ne pouvant ni se lever ni se coucher et faisant naître (...) les roses, les anémones, de son pinceau attaché au poignet (Faure, Espr. formes, 1927, p. 128).
2. Au plur. Ruines de qqc.Vestiges d'une chose en partie détruite. Synon. restes.
a) [Le compl. désigne une construction ou un ensemble d'édifices] Ruines d'une forteresse, d'un temple, d'un village; ruines de Thèbes, de Troie; ruines du Colisée. Ces ruines de villes englouties que l'on voit, dit-on, à peu de profondeur sous les vagues (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 24).C'est un monstre, dit Anne. Il travaillerait au milieu des ruines d'Hiroshima (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 222).
b) P. ext. [Le compl. désigne une chose concr.] Les Arabes ne touchent pas à ces ruines de bâtiments naufragés (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 57).
c) Au fig. [Le compl. désigne une chose abstr.] Sur les ruines de l'institution impériale et des partis d'empire, il [le parti socialiste] se dressera avec sa force pleine d'élan (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 55).
B. − Au sing.
1. Cause de l'effondrement de quelque chose, de la perte de quelqu'un. Sa famille, dont plusieurs membres (...) me regardent comme la ruine de leurs prétentions ou l'obstacle à leur rapacité (Fiévée, Dot Suzette, 1798, p. 192).Cet homme [Rubens], d'où sortiront pendant deux siècles tous les peintres, est cependant la ruine des théories et des écoles (Faure, Hist. art, 1921, p. 25).
2. Cause de ruine (v. supra I B 2 b); p. ext., source de dépenses excessives ou source de pertes. Les premiers métiers furent brisés par les ouvriers lyonnais sous prétexte que la substitution du travail mécanique au travail à la main serait une ruine pour les habitants de la contrée (D'Allemagne, Hist. jouets, 1902, p. 226).La maladie d'Alexis avait été une véritable ruine (...). Il y avait la clinique, la salle d'opération, les pansements, les médicaments (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 208).
REM. 1.
Ruine(-)de(-)Rome,(Ruine de Rome, Ruine-de-Rome) subst. fém.,bot. Synon. usuel de cymbalaire.Entre autres espèces vivaces qui prospèrent facilement dans les rocailles, il y a (...) Linaria cymbalaria balaria (« Ruine-de-Rome ») (La Gde encyclop., Paris, Larousse, t. 44, 1975, p. 9298).
2.
Ruiniste, subst.,beaux-arts. Peintre, dessinateur de ruines. [Corresp. à supra II A 1 a α] Rome et les ruines antiques d'Italie sont le thème dominant [des gravures de Piranèse] (...) thème qui pouvait sembler épuisé par deux siècles de topographes et de « ruinistes » (J. Laran,Les Estampes, Paris, P.U.F.,1948,pp. 72-73).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɥin]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1155 « dévastation, destruction, ravage commis sur une chose » (Wace, Brut, 13631 ds T.-L.); 2. a) ca 1213 « restes d'un édifice écroulé » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 614, 19: Erbe, arbre et buisson qui estoient levé es ruines et es fontures dou mur); 1765 (Encyclop. t. 14, p. 433b note ,,ruine ne se dit que des palais, des tombeaux somptueux..., en parlant d'une maison particulière... on diroit bâtimens ruinés``); id. peint. « représentation d'édifices ruinés; tableau représentant ces ruines » (ibid.); b) en parlant d'une personne α) 1833 femme en ruine (Hugo, Borgia, III, 1, p. 143); β) id. une sorte de ruine (Balzac, Méd. camp., p. 95); 3. 1262 « écroulement, chute (d'un objet matériel) » (Jean le Marchand, Miracles N.-D. de Chartres, 20 ds T.-L.: Tretout torna a descepline Ou par arson ou par rüine); 2emoit. xiiies. (St Brendan en prose, 79, 10, ibid.); ca 1350 rüynes d'edefisses (Gilles li Muisis, Poésies, II, 4, ibid.); 1549 tomber en ruine (Est.). B. 1. Fig. Ca 1175 « chute, déchéance, perte » (Benoît de Ste-Maure, Chron. ducs de Normandie, 25880 ds T.-L.: la grant rüine Des angres qui des ceus chäirent); ca 1245 metre a rüine e a perdicïum (St Auban, 338, ibid.); 2. 1671, 1ernov. « ce qui cause une dépense excessive » (Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p. 412: Ce régiment est une distinction agréable; mais n'est-ce point aussi une ruine?); 3. 1680 « perte des biens, de la fortune » (Rich.); 4. 1690 « ce qui est cause de dépérissement de destruction » (Fur.: La rupture entre les Couronnes est la ruine du commerce). Empr. au lat.ruina « chute, écroulement; effondrement de bâtiment, ruine; (fig.) écroulement, effondrement; catastrophe, désastre, destruction ». Fréq. abs. littér.: 4 725. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10 171, b) 6 922; xxes.: a) 5 873, b) 4 173. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 46 (s.v. ruiniste). − Quem. DDL t. 20 (s.v. tomber en ruine).

RUINER1, verbe trans.

RUINER1, verbe trans.
A. −
1. Réduire en ruines (une construction ou un ensemble d'édifices). Synon. détruire.Ruiner un rempart, un village; ruiner une tour. V. intra-muros ex. de Lenoir:
Des villages se nichent dans les ruines d'Antioche ou d'Éphèse. Les catastrophes historiques qui ruinent les villes ne réussissent pas à extirper des lieux où elles avaient pris racine les germes d'établissements humains. Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 159.
Empl. abs. Ruiner de fond en comble (Ac.).
Empl. pronom. Tomber en ruine(s). Ce château commence à se ruiner (Ac.).
2. P. ext.
a) Dégrader une chose, la mettre en très mauvais état. Synon. abîmer, délabrer, détériorer.Ma culotte surtout me donne de l'inquiétude. Elle est à ce point ruinée que (...) je sens que c'en est fait d'elle (A. France,Rôtisserie, 1893, p. 263).Empl. pronom. Se dégrader. Aussi dans les pays tropicaux (...) voit-on les cônes des volcans inactifs se ruiner peu à peu par ravinement (Lapparent,Abr. géol., 1886, p. 72).
b) En partic. Dévaster un lieu, ses richesses. Synon. ravager.La foudre qui ruine les moissons engrangées (Balzac,Lys, 1836, p. 206).Une gelée ou une grêle était passée par là, ruinant sa vigne qui fournit seule l'argent de poche (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 225).
3. P. anal.
a) Altérer profondément la santé d'une personne. Synon. délabrer, détruire (v. ce mot A 2).Ruiner les forces de qqn. Les débauches ont ruiné sa santé (Ac.). L'arrestation de sa sœur (...) et d'incessantes alertes achevèrent de ruiner sa constitution ébranlée (A. France,Livre ami, 1885, p. 98).L'application des Allemands à ruiner notre équilibre nerveux (Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 265).Empl. pronom. [Le suj. désigne l'état physique d'une pers., d'une partie de son corps] Par le train de vie qu'il avait mené, sa santé s'était ruinée (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 89).Empl. pronom. réfl. indir. [Le suj. désigne une pers.; le compl. son état physique ou (une partie de) son corps] Se ruiner la santé. Elles s'apprêtent bravement à passer trois ans dans une école normale (...) et s'y ruiner l'estomac, qui résiste rarement à trois ans de réfectoire (Colette,Cl. école, 1900, p. 195).
b) MÉD. VÉTÉR., vieilli. Diminuer les forces d'un cheval, altérer la vigueur de ses membres. Synon. user.La chasse a ruiné ce cheval. Le pavé ruine les pieds des chevaux (Ac.).Empl. pronom. S'affaiblir. Les jambes de ce cheval commencent à se ruiner (Ac.1935).
B. − Au fig.
1. [Le compl. désigne une chose abstr.]
a) Altérer profondément quelque chose jusqu'à le faire disparaître; p. ext., détruire complétement et soudainement quelque chose. Synon. anéantir, désagréger (v. ce mot C), détruire (v. ce mot B 1 et 2).
[Le compl. désigne une struct., un syst.] Ruiner un plan, une hypothèse. Un seul fait contraire suffit pour ruiner une théorie (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 222).C'est donc à tort qu'on prétendrait ruiner la métaphysique pour édifier la morale (Blondel,Action, 1893, p. 299).À la forme passive. De 1684 à 1721 l'âme de la peinture française est changée: l'école pompeuse de Le Brun est ruinée (Mauclair,De Watteau à Whistler, 1905, p. 1).Empl. pronom. Des hypothèses matérialistes, qui se remplacent et se ruinent successivement (L. Daudet,Morticoles, 1894, p. 176).
[Le compl. désigne une idée, un sentiment, une valeur, etc.] Ruiner un bonheur, un sentiment; ruiner une espérance, une illusion. Pour délivrer Paule, il fallait ruiner son amour jusque dans le passé (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 496).
b) Faire perdre à quelque chose le crédit qu'il a ou peut avoir dans l'esprit des gens. Ruiner des arguments. Il suffit pour le ruiner [un livre] d'en extraire quelques passages (Sainte-Beuve,Prem. lundis, t. 1, 1827, p. 246).J'ai ruiné l'opinion d'Aristote et démontré l'égalité non seulement des hommes mais encore de tous les êtres vivants (Arnoux,Seigneur, 1955, p. 111).
2. [Le compl. désigne une pers., une collectivité]
a)
α) Provoquer la ruine morale de quelqu'un. C'était un homme qui voulait ruiner Monsieur Fernand Rocher, le déshonorer en jetant aux genoux de sa femme le jeune comte de Château-Mailly (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 3, 1859, p. 533).
Empl. pronom. réfl. Se perdre. [Napoléon] a décliné dès qu'il a cessé de dérouter. Il s'est ruiné pour s'être rendu semblable à ses adversaires (Valéry,Regards sur monde act., 1931, p. 17).
β) En partic. Acculer quelqu'un à la ruine (v. ce mot I B 2 b); faire perdre tous ses biens à quelqu'un. Ruiner un homme complètement. Est-ce vrai, vieux, reprit-elle, que tu as tué ton frère et ton oncle, ruiné ta famille (...)? (Balzac,Cous. Bette, 1846, p. 320).La classe de petits agriculteurs que ruinait alors une crise économique (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 99).Empl. pronom. réfl. Causer la perte de ses propres biens, de sa fortune. Se ruiner au jeu, se ruiner pour une femme. Elle s'était ruinée avec un grand nègre, une sale passion qui la laissait sans une chemise (Zola,Nana, 1880, p. 1471).
P. exagér. Faire faire une dépense excessive à quelqu'un, lui faire perdre de l'argent. Ça ne te ruinera pas. Je suis lasse de toutes ces princesses, elles nous ruinent en gazes et en dorures (Janin,Âne mort, 1829, p. 146).Vous ruinez la commune. On goudronne les routes pour les automobiles, et le chemin de Saint-Timothée pour nos charrettes n'est pas fait (Hamp,Champagne, 1909, p. 127).Empl. pronom. réfl. Se ruiner en qqc., se ruiner pour qqn.Dépenser beaucoup d'argent (pour quelque chose/ quelqu'un). Se ruiner en remèdes. S'étant ruiné en frais de copistes, de scribes et de secrétaires (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 16).
b) Ruiner qqn auprès/dans l'esprit de qqn. Faire perdre à quelqu'un la confiance, la considération ou l'influence dont il jouit auprès d'un tiers. Synon. discréditer.L'homme que le parti démocratique détestait le plus, qu'il se flattait d'avoir usé, ruiné, démoli par trois ans de critiques, d'excitations, d'insultes (Proudhon,Révol. sc., 1852, p. 58).Il y suffit [en France] d'un mot, d'un trait heureux (...), pour ruiner dans l'esprit public, en quelques instants, des puissances et des situations considérables (Valéry,Regards sur monde act., 1931, p. 116).Empl. pronom. réfl. Se discréditer (auprès de/dans l'esprit de quelqu'un). Il s'en fallut de peu (...), qu'il ne se ruinât tout à fait dans l'esprit du Père Malebranche (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 3, 1851, p. 421).
REM. 1.
Ruine-babine(s),(Ruine-babine, Ruine-babines) subst. masc. ou fém.,région. (Canada). Harmonica; guimbarde. C'est sur ce vieux banc que Rosaire s'installait pour jouer de sa « ruine-babines », qui n'était rien d'autre qu'une guimbarde et de ses musiques à bouche (Cl. Jasmin, Et puis tout est silence, 1970, p. 76 ds Richesses Québec 1982, p. 2048).
2.
Ruinoter (se), verbe pronom.,hapax. Il s'était ruinoté et avait épousé une demoiselle Borel (Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 348).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɥine], (il) ruine [ʀ ɥin]. Homon. ruiner2. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Fin xiiies. intrans. « tomber, s'enfoncer » (Récits Menestrel de Reims, éd. N. de Wailly, § 161, p. 84, leçon du ms. A Brit. Mus. Add. 11753: [li vaissiaus] ... bien cousuz ... fu assis sour liege en tel maniere qu'il ne povoit ruiner [autre var. tumeir]) − xvies., Hug.; 2. 1358 intrans. « tomber en ruine (en parlant d'un édifice) » (Arch. nat. MM 28, fol. 80 r ods Gdf. Compl.); 1534 trans. « abattre, renverser, laisser à l'état de ruine » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, XXXIV, 55, p. 211); 1552 maison ruinée (Est., s.v. ruo, ruina); 1587 empl. p. image s'appuyer sur un fondement ruiné (en parlant d'appuis politiques) (Lanoue, Discours pol. et littér., Basle, F. Forest, p. 655). B. Fig. 1. Ca 1350 trans. « causer la perte des biens » (Gilles Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 160: Si voit on par les cours les plais déterminer, Les eslieus et les monnes de florins affiner. Advocat sont dolant, quand vont si tost finer; Empris bien les avoient de tout en tout ruiner); 1587 réfl. (Lanoue, op. cit., p. 557); 1679 part. passé adj. (E. Fléchier, Oraisons funèbres, Lamoignon, Paris, Libraires associés, 1808, p. 103); 2. 1538 trans. « détruire, réduire à néant » (Est., s.v. evertere [aliquem]; s.v. frangere: rompre et ruiner la domination tyrannique d'aucun); 1559 ruiner l'empire romain (Amyot, trad. Plutarque, Hommes illustres, Cicéron, 27, éd. G. Walter, t. 1, p. 764); id. réfl. en parlant d'une personne (Id., op. cit., Cicéron, 58, t. 1, p. 789); av. 1704 part. passé adj. [ville] ruinée par son opulence (Bossuet, Sermons, Septuag., 1 ds Littré); 3. 1580 « mettre à bas, anéantir (un raisonnement, une preuve) » (Montaigne, Essais, II, XII, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 571: Les Pyrrhoniens ne se servent ... de leur raison que pour ruiner l'apparence de l'experience). Dér. de ruine*; dés. -er. Le lat. médiév. ruinare est relevé au xiies. par Latham et Nierm. Fréq. abs. littér.: 1 127. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 092, b) 1 571; xxes.: a) 1 455, b) 1 288. Bbg. Quem. DDL t. 25 (s.v. ruinant).

RUINÉ, -ÉE, part. passé et adj.

RUINÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. − Part. passé de ruiner1*.
II. − Adjectif
A. −
1. [En parlant d'une constr. ou d'un ensemble d'édifices] En ruines. Synon. détruit.Château, fort, monastère, temple, village ruiné; enceinte, tour ruinée. Un édifice ruiné, sur les débris duquel les Turcs ont élevé une maison de derviche et une mosquée (Lamart.,Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 159).Les portes ruinées de Mycènes (Gide,Journal, 1895, p. 62).
2. P. ext. [En parlant d'une chose concr.] En très mauvais état. Synon. abîmé, délabré, détérioré.Les chemins sont ruinés (Ac.1798-1878).Les portes et les volets pendants et pourris, les balustrades rouillées, les fenêtres ruinées, paraissaient devoir tomber au premier souffle d'une tempête (Balzac,Chouans, 1829, p. 154).Il se mit, pour la nuit, dans un vieux fauteuil ruiné, assurant qu'il y dormirait bien (A. France,Dieux ont soif, 1912, p. 190).
3. P. anal.
a) [En parlant d'une pers., p. méton., de son état physique, d'une partie de son corps] Dont l'état physique est délabré par l'âge, les excès. Synon. décrépit, délabré.Santé ruinée; visage ruiné. L'on a déjà les cheveux gris, l'estomac ruiné, le cœur fané, qu'à peine on a trente ans! (Vallès,Réfract., 1865, p. 105).Corps ruinés dans lesquels une simple dysenterie peut présenter des formes (...) asiatiques (Giono,Hussard, 1951, p. 28).
b) MÉD. VÉTÉR., vieilli. [En parlant d'un cheval; p. méton., de ses membres] Dont la vigueur est diminuée par l'âge, la maladie, etc. Un cheval ruiné, qui a les jambes ruinées (Ac.1835, 1878).
B. − Au fig.
1. [En parlant d'une chose abstr.: struct., idée, sentiment, etc.] Réduit à néant de façon progressive ou soudaine. Synon. anéanti, désagrégé, détruit.Amour, espoir ruiné; hypothèse ruinée. Autorité complètement ruinée (Lar. 19e). J'éprouvai le besoin de résumer la foi nouvelle qui avait remplacé chez moi le catholicisme ruiné (Renan,Avenir sc., 1890, p. 11).
2. [En parlant d'une pers., d'une collectivité]
a)
α) Moralement abattu. Comme j'arriverais vite à l'apathie morne et au désespoir! Quand on n'a que pour deux liards d'espérance et par conséquent de courage, on est vite ruiné (Amiel,Journal, 1866, p. 292).
β) Vieilli, littér. Ruiné d'honneur, de réputation. Qui a perdu son honneur, sa réputation. Synon. perdu* d'honneur, de réputation.Il est ruiné d'honneur et de réputation (Ac.1798-1878).
b) Qui a perdu ses biens, sa fortune. Joueur ruiné; famille ruinée. Les affronts, la froideur, le dédain qui attendent l'homme ruiné, le fils du failli! (Balzac,E. Grandet, 1834, p. 150).Des bandes de fermiers ruinés montent au pillage des magasins de comestibles dans les petites villes endormies du Middle West (Nizan,Chiens garde, 1932, p. 203).
Empl. subst. masc. Les changements subits de fortune ont un grand inconvénient: les enrichis n'ont pas appris à être riches, et les ruinés à être pauvres (Joubert,Pensées, t. 1, 1824, p. 283).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɥine]. Att. ds Ac. dep. 1694. Fréq. abs. littér.: 1 338. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 401, b) 2 262; xxes.: a) 1 851, b) 1 314.

RUINER2, verbe trans.

RUINER2, verbe trans.
CONSTR. Entailler latéralement une solive, un poteau pour donner plus de prise à la maçonnerie des entrevous. Ruiner une solive (Lar. Lang. fr.).
Prononc.: [ʀ ɥine], (il) ruine [ʀ ɥin]. Homon. ruiner1. Étymol. et Hist. part. passé adj. 1676 (Félibien, p. 729: Ruiné et tamponné, lorsque l'on fait un plancher, l'on entaille les costez des solives ... cela se nomme ruiné). Var. de l'a. fr. roisnier (rouanner*).

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·