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MENACE, subst. fém.

MENACE, subst. fém.
A. − [La menace est le fait d'une pers.] Manifestation de violence par laquelle on signifie à autrui l'intention que l'on a de faire du mal. Menace de ses ennemis, d'une femme, des tyrans. On entend le bruit d'une lutte (...) deux ou trois menaces étouffées se perdent (Dumas père, Chev. Maison-Rouge, 1847, i, 3, p.43).Il pleuvait sur lui des reproches, des menaces (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p.151):
1. Quant aux hommes de troupe, ils étaient facilement reçus et toujours écoutés s'ils parlaient en leur propre nom; mais dès qu'ils semblaient parler au nom de leurs camarades, fût-ce pour se plaindre de la soupe, ils étaient aussitôt renvoyés avec violence et menaces. Alain, Propos, 1923, p. 477.
[L'expression, la manifestation de la menace] Geste, lettre, parole de menace; faire des menaces. Et les violences ne cessaient pas, les poings tendus, les mots abominables, des pelletées d'accusations et de menaces qui les souffletaient au visage (Zola, Germinal, 1885, p. 1504).
[La teneur de la menace] Menace de coups, de dénonciation, d'expulsion. Dis-moi, pour me faire plaisir un peu, que cette lettre est meilleure que la précédente, plus nourrie, moins scolaire. Et, bien entendu, je ne songe même plus à tes menaces de rupture, qui sont définitivement ridicules. J'attends une longue, forte, consolante réponse (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 351).
DR., gén. au plur. Expression du projet de nuire à autrui. Menace(s) de mort, de voies de fait, de violence(s). Ville gentille à l'extrême, presque vosgeoise, où je fus interné sous l'inculpation de menaces sous condition contre ma mère (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, Mes pris., 1893, p. 312).
[Menace provoquée ou subie] Froide, grande, sourde, vague menace; menace(s) en l'air; agir sous la menace; mettre sa menace à exécution; réaliser sa menace. Pour ce qui est de la haine que ces dames pourraient me décerner, je vous assure que je n'ai aucun mérite à en braver la menace (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 259).
B. − [La menace provient de l'éventualité d'un événement fâcheux] Signe par lequel se manifeste l'imminence d'un danger. Constante, éternelle, perpétuelle, terrible menace; menace incessante, suspendue; la menace pèse; sentir la menace; menace d'un conflit, d'une grève, d'épidémie, d'attaque, de famine, de guerre, d'invasion, d'orage. S'il était vrai qu'il y eût, en ce moment, de vagues menaces à l'horizon, Poincaré qui, même à l'Élysée, gardait une activité prépondérante, saurait fort bien écarter à temps ces nuages (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.141).Je ne puis regarder tout cela sans mélancolie parce que rien n'embellit les êtres et les choses comme la menace d'un anéantissement (Green, Journal, 1945, p.256):
2. J'avais la certitude qu'une menace terrible planait au-dessus de notre bonheur... Grâce à Dieu, c'était la guerre, et j'en suis presque soulagée, car la guerre au moins est un danger loyal, et j'aime mieux les ennemis à glaives et à lances. Ce n'était que la guerre! Giraudoux, Amphitr. 38, 1929, i, 3, p. 42.
Prononc. et Orth.: [mənas]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 880 manatce «parole ou geste dont on se sert pour marquer à quelqu'un sa colère ou son ressentiment» (Eulalie, 8 ds Henry, Chrestomathie, t. 1, p. 3); ca 1100 manaces (Roland, éd. J. Bédier, 1230); ca 1160 menace (Enéas, 8650 ds T.-L.); 1662 menaces en l'air (Corneille, Sertorius, V, 4); 2. ca 1590 [éd.] «(d'une chose, d'un malheur, d'une maladie) signes, pronostics qui font craindre cette chose» (Montaigne, Essais, I, XI, éd. Villey-Saulnier, I, 44). Du lat. pop. minācia «id.» (dér. du lat. class. minae subst. plur. de même sens, qu'il a supplanté) que l'on rencontre déjà chez Plaute et surtout en b. lat. (TLL s.v., 992, 2, sqq.); minācia survit en partic. dans l'ital. minaccia, le cat. menassa, manasa, l'esp. (a)menaza, le port. ameaça et en gallo-rom. (cf. FEW t. 6, 2, p. 98b); les formes en ma- résultent de l'assimilation de e prétonique au a accentué. Fréq. abs. littér.: 2417. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2591, b) 2587; xxes.: a) 3632, b) 4496.

MENACER, verbe

MENACER, verbe
I. − Emploi abs.
A. − [La menace est le fait d'une pers. ou d'un animal]
1. Produire des menaces. Julie interrogea le museau roux, les perçants yeux bleus qui cessaient de se durcir et de menacer (Colette, Carneilhan, 1941, p. 213):
1. Et, dans le moment où je vais me moquer de ce chanteur, qui fait le penseur, j'aperçois qu'il est l'image très fidèle en cela du vrai roi, lequel ne saurait se tenir toujours, ni même longtemps, à menacer ou à défier... Alain, Propos, 1929, p. 888.
2. [Le suj. désigne une pers.] Proférer des paroles sur un ton menaçant. Elle me court! menace Jady. Qu'elle me dise un mot! (Colette, Music-hall, 1913, p. 199).
B. −
1. [La menace provient d'une perturbation d'ordre atmosphérique, social, etc.] Faire peser une menace. L'émotion a gagné le général en chef. Des rapports de police lui ont appris tout à l'heure que là-haut dans les faubourgs, l'émeute menace, et que les tambours parcourent les rues, battant la générale, de Belleville à Montmartre (Céard, Soir. Médan, Saignée, 1880, p.152):
2. Mais ces châteaux, ces forêts, les yeux de mon esprit seuls pouvaient les voir dans la main gantée de la dame en fourrures, cousine du roi. Ceux de mon corps n'y distinguaient, les jours où le temps menaçait, qu'un parapluie dont la duchesse ne craignait pas de s'armer. Proust, Prisonn., 1922, p. 31.
2. [La menace est inhérente à un objet de par sa forme, sa position, son usage, etc.] Tenir sous la menace. Et en effet nous voyons sur toute la surface du globe une action constante de tous les gouvernemens pour arrêter ou punir les attentats du crime: le glaive de la justice n'a point de fourreau; toujours il doit menacer ou frapper (Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p.45).
Rem. Dans ce sens, menacer entre volontiers, comme en témoigne l'ex. ci-dessus, dans un cont. métaphorique.
II. − Emploi trans.
A. −
1. Qqn menace qqn.Manifester à quelqu'un l'intention que l'on a de le contraindre par la force à faire quelque chose, d'avoir recours à la violence s'il n'obtempère pas. Antony: (...) vous êtes à moi, Adèle! (...) je vous veux, je vous aurai (...). Adèle: Calmez-vous malheureux! (...) vous me menacez! (...) vous menacez une femme (Dumas père, Antony, 1831, ii, 5, p. 189):
3. ... Ce prêtre, sans respect pour le saint tribunal, T'aurait-il tout redit par peur ou par surprise, Ah! de quel poids nouveau pèseraient ses aveux, Et quel frisson plus grand courrait dans tes cheveux? Des témoins? Il en est qu'on menace ou soudoie! Dierx, Poèmes, 1864, p. 100.
2. [Complété de la constr. prép. par de + subst.]
a) [Le compl. indir. précise le contenu de la menace] Rodenbach nous explique l'annonce ce matin du journal, annonçant la collaboration de Mendès et de Silvestre. Ils auraient réclamé 200actions aux Simond, les menaçant d'un procès correctionnel (Goncourt, Journal, 1895, p. 781):
4. Colomba improvisa, suivant l'usage du pays, une ballata devant le cadavre de son père, en présence de ses amis assemblés. Elle y exhala toute sa haine contre les Barricini et les accusa formellement de l'assassinat, les menaçant aussi de la vengeance de son frère. Mérimée, Colomba, 1840, p. 52.
b) [Le compl. indir. désigne ce par quoi s'exerce la menace] Songer à poignarder un homme qui le menaçait d'un coup de pistolet eût été folie, et sir Williams n'y songea point un instant (Ponson du Terr., Rocambole, t.1, 1859, p.655).Il se moquait, il la menaçait amicalement du doigt (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1182).Zacharie menaçait du poing un cloutier wallon, trapu et flegmatique (Zola, Germinal, 1885, p. 1265).
3. [Suivi de la constr. prép. par de + inf.] Il était bien en colère après cette dame, et il m'a menacé de me renvoyer si je lui donnais votre adresse (Murger, Scènes vie jeun., 1851, p. 223).Mon maître a peur de Fatima. Elle l'a menacé de le tuer (Ponson du Terr., Rocambole, t.1, 1859, p. 241).
4. [Suivi de la subordination par que] Ils les menaçaient continuellement que, si on les voyait s'approcher de quelques religieuses pour leur donner ou recevoir d'elles quelque lettre ou quelque écrit, on les enverrait incontinent à Saint-Germain, où leur procès était tout fait, et où il n'y aurait plus qu'à les pendre (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 178).
B. − Qqn menace qqc.Faire courir à quelque chose le risque d'être détruit. Elle ne pouvait parler sans haine de cet homme qui menaçait sa jouissance (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 265):
5. dona prouhèze: Oui, Musique, je le sais, celui que ton coeur attend, je suis sûr qu'il ne peut pas te faire défaut. dona musique: Le vôtre n'attend-il plus personne? Mais qui oserait en menacer la paix quand il est sous la protection d'une telle beauté? Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 9, p. 976.
C. − Qqc. menace qqn.Donner à quelqu'un des motifs de craindre. Elle tournait de côté et d'autre sa tête sur le coussin blanc, agitée, la bouche entr'ouverte, comme une femme que le plaisir menace (Colette, Ces plais., 1932, p. 36):
6. Il soulevoit le poids de la justice qui, s'étant rassemblée toute entiere sur le tribunal redoutable du Très-haut, menaçoit l'homme coupable. Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 53.
D. − Qqc. menace qqc.Mettre en danger. Peut-être, de même qu'il est autorisé à condamner la construction d'un édifice privé qui menace la sûreté publique (Say, Écon. pol., 1832, p.312).Je hais la politique. Elle est cause que ce que j'aime est en danger, elle menace la liberté individuelle, elle menace le bonheur, elle dérange dans mon travail (Green, Journal, 1932, p. 87):
7. Le grand sujet de conversation entre mes parents, c'étaient les catastrophes qui menaçaient le monde: le péril rouge, le péril jaune, la barbarie, la décadence, la révolution, le bolchevisme... Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 103.
Menacer le ciel. Atteindre une hauteur telle que le point culminant semble toucher le ciel. Tordues, cuites, recuites et menaçant le ciel, les poutrelles de l'Alpinic Railway prétendaient seules à quelque tragique (Queneau, Pierrot, 1942, p. 152).
Menacer ruine. Présenter les signes extérieurs d'un écroulement prochain. Une maison, un mur menace ruine.
Au fig. Présenter, par sa fragilité, les signes d'une fin proche. Quand le droit n'a pour lui que d'être le droit, quand toute l'administration de justice menace ruine en la succession de ses différents organes, quand la conscience individuelle voit se dresser devant elle l'appareil formidable de l'État soutenu par l'inconscience des foules, alors tout s'agrandit, tout prend des proportions démesurées, et le combat se hausse jusqu'à la légendaire épopée où toute l'humanité comparaît (Clemenceau, Iniquité, 1899, p.1).
III. − Emploi intrans.
A. − Qqn, qqc. menace de + subst.Présenter la menace, le risque de. Le coup de pointe à la cuisse menaçait d'un dépôt considérable (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 69).On finit par céder parce qu'il [M. de Chateaubriand] menaça de sa démission si on nommait Digeon qui était le choix de Villèle (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, p. 115).
B. −
1. Qqn menace de + inf.Faire craindre que l'on puisse accomplir une action préjudiciable. Dans la loi ancienne, Dieu menaçoit de redemander le sang de l'homme aux bêtes même qui l'auroient dévoré (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.173).Et les Lorilleux menaçaient de déménager si leur chiffon de nièce amenait encore des hommes à son derrière, car ça devenait dégoûtant (Zola, Assommoir, 1877, p.725).
2. Qqc. menace de + inf.Faire courir, courir le risque de. Le village menaçait d'être définitivement aplati contre la falaise (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 896):
8. Être pris d'un amour stupide pour des arbustes, passer des heures à nettoyer avec un sécateur de vieux lierres de leurs brindilles mortes, à sarcler des plants de violettes, à leur composer des mélanges de terreau et de fumier, − cela au moment où les canons Krupp menacent de faire une ruine de ma maison et de mon jardin: c'est trop bête! Goncourt, Journal, 1870, p. 696.
Prononc. et Orth.: [mənase], (il) menace [mənas]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié xiies. trans. «proférer des menaces à l'égard de quelqu'un» manachad eals [minavit eos] (Psautier Cambridge, 77, 52 ds T.-L.); manecier intrans. (ibid., 7, 11, ibid.); ca 1160 menacier (Enéas, 5986, ibid.); 1380 menacer (Roques t.2, 7534); b) ca 1135 menacier qqn de + inf. (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 1845: menacié... de la teste tranchier); 2. ca 1200 «(d'une chose) constituer une menace pour quelqu'un, lui faire courir un danger imminent» manecier trebuchement «menacer de tomber» (Dialogue Grégoire 9, 12 ds T.-L.); 1762 temps menaçant (J.-J. Rouss., Lett. à Mmede Luxembourg ds Littré). D'un lat. pop. *mināciāre, (lui-même dér. de minācia, v. menace) qui a supplanté le lat. class. minari au sens de menacer; minaciare se rencontre sous la forme manatiat pour minatur ds les Gloses de Reichenau, éd. Klein-Labhardt, no220, p. 76; il se continue en part. dans le roum. ameninta, l'ital. minacciare, le cat. menassar, l'a. esp. et l'esp. amenazar et port. ameaçar et en gallo-rom. (v. FEW t. 6, 2, p. 100). Fréq. abs. littér.: 4219. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5750, b) 5048; xxes.: a) 5838, b)6819.

MENACÉ, -ÉE, part. passé et adj.

MENACÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. − Part. passé de menacer*.
II. − Adjectif
A. − [En parlant d'un être vivant] Qui n'est pas à l'abri des atteintes de la vie, qui ne se trouve pas en sécurité. Sa tête penchée, son air qui plaît tant. Silencieuse et menacée toujours (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 175).Je te vois si faible, si menacé, traînant tes cinquante ans, des heures durant, pour subsister un jour de plus, sur le trottoir de quelque épicerie pauvre, grelottant à l'abri précaire d'un manteau râpé (Saint-Exup., Lettre otage, 1943, p. 405):
1. Au contraire on comprend pourquoi Goethe attachait tant de prix à cette pointe brillante du regard humain, c'est qu'il y guettait ces signes de théorie ou contemplation, sans lesquels il n'y a point d'homme mais seulement un animal flairant, inquiet, menacé. Alain, Propos, 1921, p. 270.
B. − [En parlant d'une chose] Qui est en situation de danger. Bonheur, civilisation, liberté, patrie menacé(e). Visages tendus, fraternité menacée, amitié si forte et si pudique des hommes entre eux, ce sont les vraies richesses puisqu'elles sont périssables (Camus, Sisyphe, 1942, p. 121):
2. L'Occident inquiet, agité, opprimé ou menacé, instruit ou trompé, ignorant et désabusé, avait tout perdu sans avoir rien remplacé; encore endormi dans l'erreur, il était déjà étonné du bruit confus des vérités que la science cherchait. Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 198.
Prononc.: [mənase]. Fréq. s.v. menacer.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·