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CONQUÉRANT, ANTE, part. prés., adj. et subst.

CONQUÉRANT, ANTE, part. prés., adj. et subst.
I.− Part. prés. de conquérir*.
II.− Emploi adj.
A.− Domaine milit.
1. [En parlant d'une pers., d'un peuple] Qui conquiert, qui aime conquérir par les armes. Tous les souverains de l'Europe (...) effrayés (...) du gouvernement militaire et conquérant de la Russie (A. Dumas Père, Napoléon Bonaparte,1831, III, 2, p. 56).Les hordes guerrières et conquérantes (Lamartine, Des destinées de la poésie,1834, p. 388).Jeanne d'Arc conquérante, victorieuse (Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 499):
1. ... des hordes barbares ayant réduit des nations entières à l'état d'esclavage, il arriva que les empires formés d'un peuple conquérant et d'un peuple conquis, réunirent en leur sein deux classes essentiellement opposées et ennemies. Volney, Les Ruines,1791, p. 73.
SYNT. Subst. + conquérant, ante : peuple conquérant; nation, race conquérante.
2. [En parlant d'une qualité hum.] Qui caractérise celui/celle qui conquiert, aime conquérir. La fureur conquérante, l'audace et la férocité barbare d'un Gengis ou d'un Tamerlan (Maine de Biran, Journal,1814, p. 6).La perspective d'une guerre qui donne un sens à l'ambition conquérante (Alain, Propos,1921, p. 277).Frénésies conquérantes d'Hitler (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 632).
3. [En parlant d'un trait du comportement hum., d'un mode d'action] Qui tend à conquérir, qui conquiert. Les textes (...) sollicités pour justifier toutes les entreprises conquérantes; par exemple, cette thèse selon laquelle la guerre est juste (Benda, La trahison des clercs,1927, p. 139).L'Europe reprend sa marche conquérante (J.-A. Lesourd, C. Gérard, Hist. écon., XIXeet XXes., t. 1, 1968, p. 221).
P. anal.
[En parlant d'une pers. civile, de son aspect physique, de son comportement, etc.] Ses bottes éculées d'aventurier conquérant, débarqué à Paris pour le soumettre (Zola, L'Argent,1891, p. 46).À cheval, la pique sur l'épaule (...) malgré cet appareil conquérant, les yeux ouverts sur le vide (Montherlant, La Petite Infante de Castille,1929, p. 670):
2. ... il reprit son rêve caressé d'être un grand propriétaire, avec des troupeaux de bêtes sur lesquels il régnerait. Mais, dans les Landes, son ambition grandissait; il devenait le roi conquérant d'une terre nouvelle; il avait un peuple. (...) Il (...) combattait avec des machines puissantes l'empierrement du sol, arrêtait la marche des dunes par des plantations de pins, dotait la France d'un coin de fertilité miraculeux. Zola, Son Excellence E. Rougon,1876, p. 150.
[En parlant d'éléments naturels] Sur les galets (...) les vagues conquérantes, effaçant jusqu'aux traces des décombres (Zola, La Joie de vivre,1884, p. 1112).Sous le soleil conquérant (Jouve, Paulina 1880,1925, p. 219).
P. plaisant. Cet orgueilleux discours [sur le fronton d'un modèle de caveau], ce défi au ver conquérant (Green, Journal,1935, p. 5):
3. Je résolus d'établir un siège en règle devant la maison habitée par cette infante. Dans ce beau dessein, je sortis de chez moi après avoir donné à mes cheveux un coup de brosse conquérant. Mérimée, Dernières nouvelles,1870, p. 16.
B.− P. métaph., au fig., domaine des valeurs hum.Qui conquiert, aime conquérir, qui gagne quelque chose, quelqu'un par un déploiement de qualités d'ordre social, moral, intellectuel ou affectif.
1. Domaine des valeurs soc.[En parlant d'une pers. ou d'une collectivité, de son comportement] Se résorber dans les rangs inférieurs, ou se plier à la coutume conquérante (Maurras, L'Avenir de l'Intelligence,1905, p. 53).La classe montante et conquérante (...) porteuse des plus hautes valeurs de son temps (J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 17):
4. Il n'a jamais réussi en rien. Ça ne l'empêche pas d'avoir un petit air conquérant, qui intimide. Renard, Journal,1902, p. 780.
2. Domaine des valeurs mor.[En parlant surtout de qualités hum.] La loi de l'égoïsme actif et conquérant (M. Blondel, L'Action,1893, p. 274).
En partic., domaine relig.Cette paix [succédant à l'invocation de l'Esprit Saint] (...) active, envahissante, conquérante (Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 194).
3. Domaine des valeurs intellectuelles et artistiques.[En parlant de l'esprit et de ses productions] Les sciences d'observation (...) expectantes et passives; les sciences expérimentales (...) conquérantes et puissantes (C. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 2).On a nommé impressionnisme cet art conquérant et hardi (Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 269).La pensée conquérante de quelques grands individus (É. Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 224).La raison véritable n'est plus la raison contemplative, mais la raison conquérante (...) effectivement transformatrice du monde (J. La Croix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 29).
4. Domaine des valeurs affectives [En parlant d'une pers. de ses sentiments, de son comportement]
a) Domaine des relations amicales.Elle (...) entra avec le fils, avec la mère, dans une sorte d'immédiat voisinage amical par la seule présentation d'une rencontre sympathique (...) avec (...) la familiarité conquérante dont les grandes dames russes ont le secret (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 151).
b) Domaine des sentiments amoureux.Un troupier au geste conquérant, bêtisant avec une cantinière du 93e(E. et J. de Goncourt, Journal,1870, p. 596).Affolées [les femmes] (...) par ses airs farauds et conquérants (Moselly, Terres lorraines,1907, p. 23).Passions conquérantes, qui poursuivent quelque lièvre dont elles ne feront rien, et dont elles ne voudraient pas (...) s'il était donné. (...) l'amour conquérant, qui ne compare jamais le gain avec la dépense, et qui s'échauffe au contraire par la lutte et l'obstacle (Alain, Propos,1930, p. 915).Des dents de perle sous sa moustache conquérante (Cendrars, La Main coupée,1946, p. 23).Sur son visage une tendresse conquérante (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 75).
III.− Emploi subst.
A.− Domaine milit.[Le compl. désigne un territoire, un peuple] Personne qui conquiert. Pichegru, le conquérant de la Hollande (Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 385).Les Sardes, conquérants de Sardaigne et de Corse (Hugo, La Légende des siècles,t. 3, 1877, p. 169).[Adolf Hitler] Chef de parti, chancelier du Reich et conquérant des nations sans défense (Mauriac, Journal 3,1940, p. 289).
SYNT. Adj. + conquérant : anciens, premiers conquérants; conquérant(s) + subst. : conquérant(s) du monde.
Absol. Des conquérants, Alexandre, César, Napoléon... (...) des chars, de la poudre, du sang (Flaubert, Smarh,1839, p. 113).La Triple Entente, qui s'affichait, aux yeux du monde, comme une conspiration de conquérants (R. Martin du Gard, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 415).[La bonne espèce] Celle des durs, des conquérants, des chefs (Sartre, Les Mains sales,1948, 7etabl., p. 256).
P. anal.
[À propos d'une pers. civile, le compl. désignant une chose sans intérêt milit. partic., un produit ou un élément naturel] Une âme lasse du facile renom des Conquérants de l'or (Hérédia, Les Trophées,1893, p. 152).L'homme dompteur du feu, conquérant des métaux (Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 193).La troupe des conquérants de l'air (R. Rolland, Jean Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1532).Christophe Colomb! le conquérant de la mer (Claudel, Le Livre de Christophe Colomb,1935, p. 1151).
Absol., p. plaisant. Le dimanche le Parisien fait une sortie, et, comme un conquérant, marche sur les légumes (Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 193).
[À propos d'une chose] L'ogive qui arrivait de la croisade est venue se poser en conquérante sur ces larges chapiteaux romans (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 131).
B.− P. métaph., au fig., domaine des valeurs hum.Personne qui conquiert, gagne quelque chose, quelqu'un par un déploiement de qualités d'ordre social, moral, intellectuel ou affectif. La psychologie du conquérant, conquérant de la cité amoureuse, de la cité politique ou de la cité céleste, toujours aussi maître de lui que de l'univers où il vit (Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 433).
1. Domaine des valeurs soc.Des hommes [les révolutionnaires de 1789] échauffés par une victoire récente (...), conquérants d'une puissance qu'on appelait loi (Constant, De l'Esprit de conquête,1813, p. 210).Portant un coulissier dans toute sa personne, ce quelque chose de durement impérieux, qui marque et signe les conquérants de l'argent (E. de Goncourt, La Faustin,1882, p. 59).Octave Mouret, un des conquérants du nouveau commerce (Zola, Le Docteur Pascal,1893, p. 17).
Absol. En conquérant.Saccard (...) rentré en conquérant à la Bourse (Zola, L'Argent,1891, p. 151).On disait l'élection de Bourget pas si certaine (...) on l'avait trouvé revenu trop en conquérant, trop en maître de la situation (E. et J. de Goncourt, Journal,1894, p. 580).
2. Domaine des valeurs mor.
a) [À propos d'une pers.] Des conquérants de gloire, Des chercheurs d'horizons, des gagneurs d'avenir (Hugo, La Légende des siècles,t. 2, Paroles dans l'épreuve, 1859, p. 783).Grâce à vous [les petites sœurs des pauvres, les professeurs laïques ou religieux], (...) nous avons bénéficié d'un accroissement de notre domaine moral. Honneur à vous qui êtes des conquérants d'âmes! (Barrès, Mes cahiers,t. 11, 1914-18, p. 80).
En partic., domaine relig.César à côté de Jésus, le soldat cruel auprès du doux conquérant des âmes (Zola, Mes haines,1866, p. 184).
b) [À propos d'une chose abstr.] L'amour universel, conquérant d'une autre sorte [que César]; heureux les conquis, car il n'y a point de vaincus (Alain, Propos,1933, p. 1164).
3. Domaine des valeurs intellectuelles et artistiques.[En parlant de l'esprit et de ses productions]
a) [À propos d'une pers.] Il [M. Royer-Collard] était né conquérant et dominateur des esprits (Taine, Philosophes classiques au XIXesiècle,1857, p. 23).Il y a de la rudesse dans tous les conquérants, conquérants de la guerre ou conquérants de la pensée et de l'art (Montherlant, Le Songe,1922, p. 40).Dans le monde de la pensée (...) il [Nietzsche] est un homme d'action, un conquérant perpétuel (Du Bos, Journal,1924, p. 29):
5. À l'égard de peuples encore plongés dans la nature, nous sommes conquérants d'ivoire, d'or, de diamants. Mais entre nous, fils de la Bible, nous sommes conquérants d'esprit. Alain, Propos,1933, p. 1158.
b) [À propos d'une chose abstr.] L'art, qui est le conquérant, doit avoir pour point d'appui la science, qui est le marcheur (Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 488).
4. Domaine des valeurs affectives; en partic., domaine des sentiments amoureux.Élégances dont nous supposons doués les conquérants de cœurs féminins (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Un Portrait, 1888, p. 626).Don Juan le condottiere de l'équipée érotique et de la séduction innombrable, le conquérant des mille et une féminités, violentant le destin, volant de victoire en victoire (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 132).
Absol. Que cette belle est superbe! (...) Oh! la fière conquérante! (Hugo, Les Chansons des rues et des bois,L'Oubli, 1865, p. 199).Le jeune conquérant rieur, le joyeux garçon, l'amoureux ardent (Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 173).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃keʀ ɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t]. Ds Ac. depuis 1694; comme adj. depuis 1835. Fréq. abs. littér. : 879. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 534, b) 960; xxes. : a) 1 046, b) 1 284.

CONQUÉRIR, verbe trans.

CONQUÉRIR, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− Domaine milit.[Le compl. d'obj. désigne un territoire, un peuple] Se rendre maître par les armes. Conquérir qqc., conquérir qqc. sur qqn, conquérir qqc. à qqn.Toute autre place à conquérir sur les Musulmans (Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 54).De splendides garçons (...) qui lui [l'Angleterre] conquièrent des empires (Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 239):
1. ... la Prusse, en deux semaines à peine, par une marche foudroyante, venait d'envahir le Hanovre, de conquérir les deux Hesses, Bade, la Saxe, en surprenant en pleine paix des populations désarmées. Zola, L'Argent,1891, p. 104.
SYNT. Conquérir + subst. : conquérir un empire, le monde, une province, un royaume, une/la terre, l'univers; verbe + conquérir : aller, venir, vouloir conquérir; prép. + verbe + conquérir : aider, chercher à conquérir, achever de conquérir.
Absol. Désir, gloire de conquérir. Le jour où elle [l'Italie] cessa de conquérir, elle fut conquise (Quinet, Allemagne et Italie,1836, p. 223).On cherche de moins en moins à conquérir pour conquérir (Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 305).
P. anal. [Le compl. désigne des biens matériels, sans intérêt milit. partic.]
P. plaisant. Une espèce de fruitier mal clos où l'on pouvait conquérir une pomme (Hugo, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 115).Il conquit la table de haute lutte, au milieu du tas (Zola, L'Œuvre,1886, p. 325).
En gén. S'assurer la possession de quelque chose, étendre son emprise sur quelque chose. Conquérir qqc., conquérir qqc. sur qqc. Quand il [l'homme] conquiert par un effort son abri et ses aliments (Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 276).Dans cette ville [Venise] où il faut conquérir la place sur la lagune (Viollet-le-Duc, Entretiens sur l'archit.,1872, p. 264).
B.− P. métaph., au fig., domaine des valeurs hum.(S'efforcer de) gagner quelque chose, quelqu'un par un déploiement de qualités d'ordre social, moral, intellectuel ou affectif.
1. Domaine des valeurs soc.Conquérir de belles positions (Stendhal, Lucien Leuwen,t. 1, 1836, p. 12).Conquérir une grande situation parlementaire (Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 358).Des élections (...) le moment de conquérir un siège (Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 63).
2. Domaine des valeurs morales.L'homme conquiert sa liberté et sa personnalité, mais en s'ouvrant à la vie (Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 254):
2. Mais il fallait lutter, se raidir, pour conquérir son bonheur, échapper à cette faillite d'une existence. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 70.
En partic., domaine relig.Il ne seyait pas de vouloir conquérir tout de suite la perfection chrétienne (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 423).Conquérir la béatitude (Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 1, 1931, p. 125).
3. Domaine des valeurs intellectuelles.[Le compl. désigne l'esprit d'une pers. et ses diverses modalités; p. méton. cette pers. elle-même] Le désir d'attirer à lui et de conquérir les esprits (Vigny, Mémoires inédits,1863, p. 120).Conquérir son estime, mieux, son admiration (Jouve, La Scène capitale,1935, p. 62).
4. Domaine des valeurs affectives.[Le compl. désigne le cœur, les sentiments d'une pers.; p. méton. cette pers. elle-même]
a) Domaine des relations amicales.Il conquit son affection en lui procurant quelques plaisirs et des douceurs (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 559).Pour tâcher de conquérir la sympathie générale (Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 231).Tant de bonhomie conquit le cœur du peintre (Camus, L'Exil et le Royaume,1957, p. 1639).
En partic. [Le compl. désigne une pers. ou un groupe de pers.] (Quasi-)synon. plaire.Elle conquit maman en l'appelant « petite madame » (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 92):
3. MmeRougon se tenant à l'écart par une manœuvre de haute habileté, la belle Octavie était ainsi devenue l'alliée la plus active de l'abbé Faujas. Elle lui conquit ses amis et les amis de ses amis. Elle partait en campagne chaque matin, faisait une étonnante propagande, rien qu'à l'aide des petits saluts qu'elle jetait du bout de ses doigts gantés. Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1144.
b) Domaine des sentiments amoureux.Un amant doit aller conquérir le cœur de sa dame (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 4).
En partic. [Le compl. désigne une pers.] (Quasi-) synon. séduire.Le mariage (...) cette manière de conquérir et de s'approprier une femme (Balzac, César Birotteau,1837, p. 37).Elle redoublait de séduction, elle l'amollissait et le conquérait (Zola, L'Œuvre,1886, p. 382):
4. « L'homme qui aime une femme, qui s'efforce de la conquérir, qui l'obtient et qui la prend, contracte vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis d'elle un engagement sacré. » Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Étrennes, 1887, p. 1071.
Absol. Le succès flatteur est de conquérir, et non de conserver (Stendhal, De l'Amour,1822, p. 138).La bouche grande, infiniment séduisante, faite (...) pour conquérir (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Yvette, 1884, p. 489):
5. Aimer et posséder, conquérir et épuiser, voilà sa façon [à l'homme absurde] de connaître. (Il y a du sens dans ce mot favori de l'écriture qui appelle « connaître » l'acte d'amour.) Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 104.
Rem. La construction se conquérir qqc., qqn rencontrée parfois dans les emplois précités ne peut guère être considérée comme une forme d'emploi pronom., le pronom n'ayant dans ce cas qu'une fonction de compl. indir. servant à ajouter une marque subjective. Il se mit à cueillir les feuilles de vigne (...) et se conquit par là le cœur du jardinier (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 36).
II.− Emploi pronom.
A.− Emploi pronom. réfléchi. [Le suj. désigne une pers.] (S'efforcer de) prendre possession de soi-même. Se conquérir, se conquérir sur qqc. Tendu sur lui-même et décidé à se conquérir lui-même par la violence (Psichari, Le Voyage du centurion,1914, p. 11).Je venais conquérir le monde et me conquérir moi-même (Arland, L'Ordre,1929, p. 410).Il faut se conquérir sur les passions, sur la race, sur la classe, sur la nation (Sartre, Situations II,1948, p. 116):
6. L'immense effort de sa jeunesse pour prendre possession de soi, les luttes acharnées pour se conquérir sur les autres le simple droit de vivre, pour se conquérir sur les démons de sa race. Même après la victoire, l'obligation de veiller, sans trêve, sur sa conquête, afin de la défendre contre la victoire même. R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1585.
B.− Emploi pronom. passif. [Le suj. désigne une chose abstr. d'ordre moral ou intellectuel] (Pouvoir) être acquis au prix d'un effort. Les succès littéraires ne se conquièrent que dans la solitude et par d'obstinés travaux (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 110).Accéder à une vérité qui se conquiert de haute lutte (N. Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 63):
7. C'est un grand problème d'être soi. La probité se conquiert et se perd par d'obscures voies. Mais la volonté continue et appliquée de vivre dans la vérité suffit à assurer à quiconque en est capable une prodigieuse puissance. Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », préf., 1948, p. 17.
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃keʀi:ʀ], (je) conquiers [kɔ ̃kjε:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 critique ceux qui écrivent conquêrir p. anal. avec conquête dans lequel l'accent marque la durée de la syllabe. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 cunquerre « se rendre maître par la force des armes » (Roland, éd. J. Bédier, 198) début xiiies. adj. (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P. Rasch., 736 : paiens hardis et conquerans); 2. p. ext. ca 1176 (Chr. de Troyes, Cligès, 15 ds T.-L. : por pris et por los conquerre); 3. ca 1230 « s'attacher, séduire quelqu'un » (G. Le Clerc, Fergus, 72, 13, ibid.). Conquerre (encore fin xvies. ds Hug. et Cotgr.) du lat. *conquaerere (réfection d'apr. quaerere « chercher », du class. conquirere « chercher de tous côtés, rassembler »); conquerir (xives. d'apr. DG), p. infl. de quérir*. Fréq. abs. littér. : 1 183. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 490, b) 992; xxes. : a) 2 155, b) 1 931.
DÉR.
Conquéreur, subst. masc.,vx, littér. Personne qui conquiert. J'étais la toison d'or et (...) je partais à la recherche d'un conquéreur (Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 982).Rem. Selon Rob. Suppl. 1970, ,,mot repris pour éviter les connotations que comporte le mot normal conquérant triomphant ou prétentieux`` et formé par analogie sans doute de acquéreur. [kɔ ̃keʀ œ:ʀ]. 1resattest. seconde moitié xiiies. [ms.] conquereor (A. de Paris, Roman d'Alexandre, ms. G, éd. Elliot Monographs, vol. III, p. 160, v. 242); apr. 1260 conquereur (Ph. de Novare, Quatre Ages, 17 ds T.-L.) − 1732, Trév. qui note ,,il n'est plus en usage``; du rad. de conquérir, suff. -eur2*. Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 114.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·