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CHAGRIN1, subst. masc.

CHAGRIN1, subst. masc.
PEAUSSERIE
A.− Espèce de cuir grenu, préparé avec la peau de la croupe du mulet, de l'âne ou du cheval et utilisé en reliure et en maroquinerie de luxe. Peau de chagrin; étui, gaine de chagrin; livre relié en plein chagrin, en demi-chagrin. Sur ses genoux [du sous-préfet] repose une grande serviette en chagrin gaufré (A. Daudet, Lettres de mon moulin,1869, p. 131).Des cahiers reliés en toile blanche, en chagrin noir, en maroquin Lavallière et dorés sur tranche (A. France, La Vie en fleur,1922, p. 402).
Fam., péj. Une peau de chagrin. Une peau rêche. Les joues de Ragotte, de la vraie peau de chagrin. Elle a tant pleuré! (Renard, Journal,1907, p. 1126).
B.− [P. allus. à La Peau de chagrin, roman de Balzac] Se rétrécir, diminuer comme une peau de chagrin. Progressivement et jusqu'à disparition complète. Il m'apparut à cet instant que ma liberté s'était rétrécie d'un coup comme cette peau de chagrin dont j'avais lu l'histoire (P. Vialar, La Mort est un commencement,Le Petit jour, 1947, p. 96).
Au fig. C'est une peau de chagrin, cela fait peau de chagrin. Cela rétrécit de plus en plus :
1. On voit que le contour de notre domaine de liberté est fort changeant. J'ai grand peur que son aire n'ait fait que se rétrécir depuis un demi-siècle. C'est une peau de chagrin. Valéry, Regards sur le monde actuel,1931, p. 73.
2. Pourtant cette maison a perdu (...) ce vicinal empire de chemins et de sentiers qui se ramifiaient sur cent journaux de terre. Le domaine de jadis (...) a fait peau de chagrin. H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p. 18.
Prononc. et Orth. : [ʃagʀ ε ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin du xvies. peau de sagrin (J. Palerne, Pérégrinations, Lyon, 1606, p. 315 cité par König ds Fr. mod., t. 9, 1941, p. 134), forme isolée; 1648 peau de chagrain (B. de Monconys, J. des voyages de Monsieur B. de Monconys, Lyon, 1666, t. 1, p. 359, cité par König, ibid.); 1655 chagrin (P. Borel, Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises, Paris, 1655, s.v. chagrain). Graphies concurrentes chagrain et chagrin aux xviieet xviiies. Empr. au turc ṣaġrï « croupe d'un animal, la peau qu'on en prépare » (FEW t. 19, p. 149a, Lok no1760). L'altération de s en ch est prob. due à l'infl. de chagrin2*.
DÉR.
Chagriner, verbe trans. dir.Préparer une peau d'âne, de chèvre ou de mulet pour la rendre grenue, la transformer en chagrin. Chagriner une peau. Ces livres à fermoirs, dont le carton est de bois, dont le maroquin est chagriné (Balzac, Œuvres diverses,t. 2, 1850, p. 23). [ʃagʀine]; (je) chagrine [ʃagʀin]. 1resattest. a) 1692 adj. chagriné (Tournefort, Mém. de l'Ac. des Sc., p. 124 cité par Delb. ds Quem.); b) 1784 verbe chagriner (Bernardin de Saint-Pierre, Ét. de la nature, Paris, Beaujouan, t. 2, p. 12); a de chagrin1, suff. *; b de chagrin1, dés. -er. Rem. On rencontre ds la docum. le part. passé, adj. chagriné, ée, p. anal. Grenu comme le chagrin. Papier chagriné. Qui a l'aspect grenu du chagrin (cf. Moreau-Vauthier, La Peint., 1933, p. 109). Touffes de germandrée au feuillage chagriné (G. Sand, Impressions et souvenirs, 1873, p. 358). De ces volumes que l'on ne se figure reliés qu'en basane racine ou en basane chagrinée, noire (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 167). La peau chagrinée de nos tantes (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 162). Emploi subst. rare. Et là-dessus [sur le bronze] une dorure mate imitant le chagriné de la feuille (E. de Goncourt, La Maison d'un artiste, 1881, p. 17). Fréq. abs. littér : 4.
BBG. − Barbier (P.). Noms de poissons. Notes étymol. et lexicogr. 7. R. Lang. rom. 1915, t. 58, pp. 293-294. − Gohin 1903, p. 377. − Le Breton Grandmaison. Comment parlent les relieurs. Vie Lang. 1961, pp. 433-437.

CHAGRIN2, INE, adj.

CHAGRIN2, INE, adj.
A.− Vieilli. Qui éprouve du chagrin, de la peine, qui est rendu triste pour une cause précise. Synon. affligé, attristé, contrarié, désolé, peiné, triste.Anton. gai, content, joyeux :
1. ... le bon vieux Robin mourut. Quand la nouvelle en vint dans le village, Zoé en fut aussi chagrine que si elle eût perdu son père. Elle s'enferma plus de deux mois pour le pleurer tout à son aise. Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 93.
2. Le mercredi matin, Sara se montra plus chagrine que jamais : son âme était navrée de douleur, son cœur gonflé d'indignation contre sa mère et contre moi. Restif de La Bretonne, M. Nicolas,1796, p. 164.
B.− Littéraire
1. [En parlant du caractère, du tempérament, du genre de vie] Qui est enclin à la mauvaise humeur, à la morosité. Un esprit chagrin; une humeur chagrine; une vieillesse chagrine. Synon. bougon, bourru, maussade, mélancolique, morose, pessimiste.Les bourrasques et les sautes d'humeur d'un caractère inquiet, mécontent, chagrin (E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 13).Alceste est un personnage comique, un esprit chagrin dont la maussaderie est exagérée pour provoquer le rire (Zola, Nos auteurs dramatiques,1881, p. 12).
Emploi subst., rare. Les Caustiques, les Chagrins sont des malades d'esprit, disait-il souvent (Restif de La Bretonne, La Vie de mon père,1779, p. 265).
P. méton. Dont les principes procèdent d'une telle humeur. Un philosophe chagrin; une morale chagrine.
2. P. anal. et/ou au sens factitif. Qui rend triste ou maussade, qui engendre la mélancolie, l'ennui. Un ciel chagrin; une couleur chagrine. Anton. gai, riant, clair.Ô ciel chagrin! arbres, terre! ombre, soirée pluvieuse (Claudel, Tête d'Or,2eversion, 1901, 1repart., p. 172).Elle [Alice] ... offrait à la lumière chagrine et douce ses cheveux lisses qui miraient le ciel cotonneux (Colette, Duo,1934, p. 151).
Rem. Qq. dict. (Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. 20e, Littré et Guérin 1892) enregistrent l'adv. chagrinement, ,,d'une manière chagrine`` et notent que le mot est vx ou inusité.
Prononc. et Orth. : [ʃagʀ ε ̃], fém. [-in]. Ds Ac. 1694-1932.

CHAGRIN3, subst. masc.

CHAGRIN3, subst. masc.
A.− Souffrance morale, déplaisir dont la cause est un événement précis. Chagrin d'amour; un gros chagrin; éprouver un chagrin. Synon. affliction, douleur, peine.Anton. bonheur, félicité, joie, plaisir.Petits chagrins d'argent (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 600):
1. Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue? À quel puits de douleur tes yeux puisent-ils l'eau? T. Gautier, Poésies,1872, p. 216.
2. ... elle l'avait vu [M. Rambaud] entrer un soir, les yeux rouges, brisé par un grand chagrin : son frère, l'abbé Jouve, était mort. À son tour, elle l'avait consolé. Zola, Une Page d'amour,1878, p. 1088.
3. Les flammes ont dévoré La maison où je suis né Pour distraire mon chagrin J'ai pris ma barque de bois peint J'ai pris ma flûte sculptée Alors la lune attristée D'un nuage s'est voilée... Claudel, Poésies diverses,La Maison dans le cœur (chinois), 1952, p. 913.
P. méton. Manifestation de cette souffrance, souvent au pluriel :
4. Sa poitrine se gonfla, ses yeux se mouillèrent, et elle éclata en sanglots. C'était un de ces chagrins naïfs et désordonnés comme en ont les enfants, un orage de larmes qui menaçait de ne plus s'arrêter. Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 214.
SYNT. Faire, causer, donner du chagrin; consoler un chagrin; ravaler, confier son chagrin; apprendre avec chagrin; se consumer, mourir de chagrin; un amer, immense, profond, vif, grand chagrin; un chagrin cuisant, mortel, secret, violent; un chagrin d'enfant; de longs, de petits chagrins; chagrins domestiques, de fortune; les chagrins de la vie; accablé, malade, fou de chagrin; rongé par le chagrin; le cœur gonflé de chagrin.
Loc. vieillie. Faire chagrin. Faire du chagrin, de la peine. Anton. faire plaisir.Les quitter [les livres] me fait chagrin, les emporter est difficile; ne pas les quitter est le mieux (E. de Guérin, Journal,1835, p. 69).
Loc. fam. Noyer son chagrin. S'enivrer. Ils ont éventré les barriques Ils ont noyé leur chagrin dans le vin (Prévert, Paroles,La Batteuse, 1946, p. 204).
B.− Littér. État de tristesse profonde. Est-ce donc vrai qu'il y a des gens qui meurent de chagrin? (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 123):
5. Derrière les ennuis et les vastes chagrins Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse, Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse S'élancer vers les champs lumineux et sereins! Baudelaire, Les Fleurs du Mal,Élévation, 1857-61, p. 16.
6. Il ne lui restait plus [à Jeanne] qu'une mélancolie attendrie, comme un voile de chagrin jeté sur sa vie. Maupassant, Une Vie,1883, p. 183.
Prononc. et Orth. : [ʃagʀ ε ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Adj. 1389 chagrine paresce (Jean Petit, Livre du champ d'or, 1197, Le Verdier cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 4, p. 301); 2. subst. 1450 « peine, affliction » (Mist. Viel Testament, XIX, 11866, II, 130 ds IGLF : J'ay un grant chagrin en la teste); 1534 « personne à l'esprit chagrin » (Rabelais, Gargantua, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 7). Malgré le léger hiatus chronol., prob. déverbal de chagriner*.
STAT. − Chagrin 1, 2 et 3. Fréq. abs. littér. : 4 928. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 009, b) 8 089; xxes. : a) 7 124, b) 4 645.
BBG. − Colin (C. S. R.). Fr. chagrin « ledsen »; colère « ond ». In : [Mél. Vising (J.)]. Paris, 1925, pp. 55-60. − Goug. Mots t. 2, 1966, pp. 31-32. − Sain. Sources t. 3, 1972 [1930], p. 110, 399.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·