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AGONISANT, ANTE, part. prés., adj. et subst.

AGONISANT, ANTE, part. prés., adj. et subst.
I.− Part. prés. de agoniser1*.
II.− Adj. et subst.
A.− Emploi adj.
1. Qui est à l'agonie.
a) [En parlant d'une pers., de la vie hum.] :
1. Mourante et vivante, inexprimable malade! Rien n'est plus douloureux. « ... Ma vie est une espèce de crépuscule orageux dont la fin me semble toujours bien proche. Je suis tellement agonisante que, depuis trois semaines que je suis ici, je n'ai pu vous écrire un seul mot. E. de Guérin, Journal,1840, p. 40.
2. Et j'étais écrasé d'imposer à mon existence agonisante les fatigues surhumaines de la vie. La perte de la mémoire m'aidait un peu en faisant des coupes dans mes obligations; mon œuvre les remplaçait. Cette idée de la mort s'installa définitivement en moi comme fait un amour. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Temps retrouvé, 1922, p. 1042.
3. Je récitai sur elle le de profundis entièrement. Mais ne croyant pas qu'elle fût morte je mis ma tête sur son sein pour écouter le cœur. C'était le silence. Et je pris un petit miroir, je le plaçai et le replaçai devant sa bouche. Là aussi l'absence fut complète. Aucune buée, rien. Le silence! le silence! Une minute auparavant, lorsqu'elle était agonisante − quand elle vivait encore − je croyais que je mourrais avec elle. Maintenant, je ne songeais même pas à me tuer, tant ma volonté c'était elle encore vivante et la continuation d'elle. P.-J. Jouve, La Scène capitale,1935, pp. 252-253.
Par personnification
[En parlant d'un épisode de la vie hum.] :
4. − Tu as menti! cria Albine, tu ne m'aimes plus! Et elle pleurait, debout à son côté, se sentant impuissante à l'emporter plus haut. Elle n'avait pas de colère encore, elle pleurait leurs amours agonisantes. É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, pp. 1502-1503.
5. ponta tulli. − Pour cette vieille liaison agonisante, finie!... H. Bernstein, Le Secret,1913, II, 10, p. 26.
Rem. Dans l'ex. suiv., agonisant est constr. par hypallage, non pas avec le nom de la pers. mourante, mais avec le nom désignant le sentiment de la pers. :
6. L'angoisse agonisante de Roland, ou la détresse d'un Lear dépossédé, nous émeut dans sa rareté, mais perd son éloquence particulière si reproduite au même instant à quelques milliers d'exemplaires. Isolé, c'est pic de douleur; en collection, ça fait plateau. A. Gide, Journal,1940, p. 59.
[Voire d'un obj. fabriqué] :
7. ... une chambre avec personne dedans, malgré l'air stable que présentent les volets attachés, et dans une nuit faite d'absence et d'interrogation, sans meubles, sinon l'ébauche plausible de vagues consoles, un cadre belliqueux et agonisant, de miroir appendu au fond, avec sa réflexion, stellaire et incompréhensible, de la grande Ourse, qui relie au ciel seul ce logis abandonné du monde. S. Mallarmé, Correspondance,1868, p. 279.
b) P. ext.
[En parlant d'un animal] :
8. ... − le chat − n'est plus dans la gueule du chien qu'une fourrure agonisante et râlante, qu'il tourne avec fureur comme un boa d'anglaise. E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1855, p. 160.
9. Le creux des joues livides, le pli douloureux des lèvres marque encore l'entêtement et la ruse, et dans le délaissement même de toute espérance, au-delà de toute prévision, de toute crainte même, de toute pensée, non pas le refus de la mort, mais cet amour que la bête agonisante donne à la vie avec son dernier hoquet sanglant, l'amour inflexible de la vie. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1479.
[En parlant d'un végétal] Rare :
10. Des datura trapus élargissaient leurs cornets violâtres, où des insectes, las de vivre, venaient boire le poison du suicide. Des soucis, sous leurs feuillages engorgés, ensevelissaient leurs fleurs, des corps d'étoiles agonisants, exhalant déjà la peste de leur décomposition. Et c'étaient encore d'autres tristesses : les renoncules charnues, d'une couleur sourde de métal rouillé; les jacinthes et les tubéreuses, exhalant l'asphyxie, se mourant dans leur parfum. É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1351.
2. Qui est près de sa fin.
a) [En parlant d'une collectivité hum.] :
11. Oui, je crois que l'Église décrépite et agonisante en apparence cache sous ses cendres attiédiées une étincelle d'éternelle vie et je veux que tous les travaux et tous les efforts de la foi et de l'intelligence tendent à ranimer cette étincelle et à faire de nouveau éclater la flamme sur l'autel. G. Sand, Lélia,1839, p. 472.
12. Pour la troisième fois, la nuit, la nuit pleine d'angoisse tombait sur Plassans. La ville agonisante en était aux derniers râles. Les bourgeois rentraient rapidement chez eux, les portes se barricadaient avec un grand bruit de boulons et de barres de fer. Le sentiment général semblait être que Plassans n'existerait plus le lendemain, qu'il se serait abîmé sous terre ou évaporé dans le ciel. É. Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 280.
13. L'empire d'Occident croula sous le choc; la vie agonisante qu'il traînait dans l'imbécillité et dans l'ordure, s'éteignit; la fin de l'univers semblait d'ailleurs proche; les cités oubliées par Attila étaient décimées par la famine et par la peste; le latin parut s'effondrer, à son tour, sous les ruines du monde. J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 50.
b) [En parlant des sentiments d'une collectivité] :
14. Dix-neuf barricades s'étageaient dans la profondeur des rues derrière cette barricade mère. Rien qu'à la voir, on sentait dans le faubourg l'immense souffrance agonisante arrivée à cette minute extrême où une détresse veut devenir une catastrophe. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862p. 409.
c) [En parlant d'un phénomène temp., notamment du jour] :
15. Les derniers rayons du soleil couchant (...), la dégradation émouvante de la lumière dans un ciel immense et découvert, le passage des choses de la lumière agonisante à l'ombre qui se libère, des gens que gagnent les ténèbres envahissantes comme si gens et choses s'engageaient déjà de leur vivant dans l'histoire, dans la légende de la ville, (...), tristesse angoissante dont on reste amoureux pour la vie. B. Cendrars, Bourlinguer1948, pp. 308-309.
B.− Emploi subst. masc. ou fém. Celui, celle qui est à l'agonie.
1. [En parlant de l'homme] :
16. Un prêtre assis à son chevet, le console. Ce ministre saint s'entretient avec l'agonisant de l'immortalité de son âme, et la scène sublime que l'Antiquité entière n'a présentée qu'une seule fois, dans le premier de ses philosophes mourans, se renouvelle chaque jour sur l'humble grabat du dernier des chrétiens qui expire. Enfin le moment suprême est arrivé, ... F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 79.
17. Pendant que je cherchais à faire revenir Gustave à lui-même, la cloche des agonisans se fit entendre dans un couvent voisin; c'était apparemment un des religieux qui luttait aussi avec la mort. Ce triste et lugubre tintement enfonçait l'agonie de la douleur dans mon âme, et mon front était inondé d'une sueur froide. Enfin, Gustave revint à la vie. B.-J. de Krüdener, Valérie,1803, p. 251.
18. Elle s'efforçait de se trouver auprès du lit de mort des agonisans, afin d'adoucir leur dernière lutte, recueillait leur dernier soupir dans un baiser de fraternelle charité et priait Dieu avec ferveur et pendant des heures entières, de sanctifier la fin de ces infortunés et de les recevoir dans sa gloire. Ch. de Montalembert, Hist. de sainte Élisabeth de Hongrie,1836, p. 107.
19. Mais il n'est pas de résistance à ce grand coup de la mort qui nous frappe tous à notre heure. Ma pauvre amie la baronne est à peu près aussi morte que son père; elle n'écrit plus, je n'ai de ses nouvelles que par sa mère, autre agonisante. Ainsi s'éteignent et les vies et les relations, et ce monde n'est, après tout, qu'un grand mortuaire. E. de Guérin, Lettres,1841, p. 446.
20. Emma, le menton contre sa poitrine, ouvrait démesurément les paupières : et ses pauvres mains se traînaient sur les draps, avec ce geste hideux et doux des agonisants qui semblent vouloir déjà se recouvrir du suaire. G. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 179.
21. La religieuse baisait follement une main pendante de la morte, une main d'ivoire pareille au grand Christ couché sur le lit. De l'autre côté du corps étendu, l'autre main semblait tenir encore le drap froissé de ce geste errant qu'on nomme le pli des agonisants; et le linge en avait conservé comme de petites vagues de toile, comme un souvenir de ces derniers mouvements qui précèdent l'éternelle immobilité. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Veillée, 1882, pp. 795-796.
22. Les femmes entraient pour regarder le mourant. Elles se signaient auprès du lit, balbutiaient une prière, ressortaient. Les hommes, moins avides de ce spectacle, jetaient un seul coup d'œil de la fenêtre qu'on avait ouverte. MmeChicot expliquait l'agonie : « V'là deux jours qu'il est comme ça, ni plus ni moins, ni plus haut ni plus bas. Dirait-on point eune pompe qu'a pu d'iau? » Quand tout le monde eut vu l'agonisant, on pensa à la collation; ... G. de Maupassant, Contes et nouvelles,Le Vieux, 1884, p. 137.
23. La garde demanda : « Eh ben, vot' mé a-t-all' passé? » Il répondit, avec un pli malin au coin des yeux : « All' va plutôt mieux. » Et il s'en alla. La Rapet, saisie d'inquiétude, s'approcha de l'agonisante, qui demeurait dans le même état, oppressée et impassible, l'œil ouvert et les mains crispées sur sa couverture. Et la garde comprit que cela pouvait durer deux jours, quatre jours, huit jours ainsi; G. de Maupassant, Contes et nouvelles,Le Diable, 1886, p. 240.
24. ... bien souvent la pensée des agonisants est tournée vers le côté effectif, douloureux, obscur, viscéral, vers cet envers de la mort qui est précisément le côté qu'elle leur présente, qu'elle leur fait rudement sentir et qui ressemble beaucoup plus à un fardeau qui les écrase, à une difficulté de respirer, à un besoin de boire, qu'à ce que nous appelons l'idée de la mort. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, p. 82.
25. ... « Mon métier, autant que le vôtre, est d'assister des agonisants. J'ai peut-être même vu mourir plus d'incroyants que vous, et j'ai de si atroces souvenirs que, si je pouvais faire à mes malades une injection de foi in extremis...! Je ne suis pas de ceux qui éprouvent pour le stoïcisme de la dernière heure une vénération mystique. Pour moi, je souhaite, sans vergogne, d'être, à ce moment-là, accessible aux plus consolantes certitudes. Et je crains autant une fin sans espérance qu'une agonie sans morphine... » R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1393.
26. Il n'y a que deux instants de nudité et de pureté parfaites dans la vie humaine : la naissance et la mort. On ne peut adorer Dieu sous la forme humaine sans souiller la divinité que comme nouveau-né et comme agonisant. S. Weil, La Pesanteur et la grâce,1943, p. 45.
27. Ils n'en mouraient pas moins les uns après les autres au bout de quelques mois d'une langueur croissante, en dépit de la médecine qui les voyait glisser entre ses mains jusqu'à la mort. Comme elle ne comprit jamais rien à cette lente perte de vie, on finit par se passer d'elle. (...). Parmi eux, il n'y eut jamais d'agonisants Ils s'endormaient. Un beau matin on les retrouvait morts sous leurs couvre-lits bleu de roi et leurs deux colombes. H. Bosco, Le Mas Théotime,1945, pp. 29-30.
2. Except. [En parlant d'un animal] :
28. Il vit, à quelques pas du seuil d'une chaumière, Gisant à terre, un porc fétide qu'un boucher Venait de saigner vif avant de l'écorcher; Cette bête râlait devant cette masure : Son cou s'ouvrait, béant d'une affreuse blessure; Le soleil de midi brûlait l'agonisant; V. Hugo, La Légende des siècles,Sultan Mourad, t. 2, 1859, p. 455.
Rem. 1. Syntagmes :
Confrérie des agonisants (ou Pères agonisants). Confrérie ayant pour vocation d'assister les mourants, particulièrement les condamnés à mort, et de prier pour leur salut. (Selon Besch. 1845, cette confrérie aurait cessé d'exister en 1790) :
29. Il [le condamné] était pieds nus, habillé d'une longue robe noire sur laquelle on avait cousu à la place du cœur une croix bleue et rouge. C'est l'insigne de la confrérie des agonisants. P. Mérimée, Mosaïque,1833, p. 282.
30. Le P. Batterel (...) a presque de l'onction dès qu'il touche à la spiritualité oratorienne. Il dira par exemple à propos du Pain cuit sous la cendre, œuvre gothique du P. Foucault : « Ce saint prêtre (...) se sert de la conjoncture de la contagion qui enlevait alors (Orléans, 1631) bien du monde, pour exciter ses paroissiens, et surtout ceux qui étaient de la confrérie des agonisants, à sauver du moins les âmes de leurs frères, par les secours de leurs prières, et les leurs propres par l'exercice de la charité, s'ils ne peuvent sauver leurs corps de la mort dont la peste les menaçait... etc. Mémoires domestiques II, p. 140... » H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921, p. 217.
Messe des agonisants :
31. En effet, la veille même de sa mort, il oublia pour l'amour de Dieu ses propres intérêts, lorsqu'ils devaient être les plus sensibles. Car, comme un des pères, le voyant défaillir, s'offrit d'aller dire à son intention la messe des agonisants, il répondit qu'il ne devait pas être considéré, et le pria de célébrer la messe du jour des rois, en l'honneur du règne de Jésus-Christ... H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921p. 416.
Fréq. Prières des agonisants :
32. ... Louis, répétant avec son confesseur les prières des agonisants, savouroit à longs traits la mort. F.-R. de Chateaubriand, Essai sur les Révolutions, t. 2, 1797, p. 198.
33. Tout le monde connoît les belles prières des agonisans. On y lit d'abord l'oraison Proficiscere : « Sortez de ce monde, âme chrétienne ». Ensuite cet endroit de la Passion : « En ce temps-là, Jésus, étant sorti, s'en alla à la montagne des Oliviers, etc. » Puis le psaume « Miserere mei »; puis cette lecture de l'Apocalypse : « En ces jours-là j'ai vu des morts, grands et petits, qui comparurent devant le trône, etc. » Enfin, la fameuse vision d'Ézéchiel : « La main du Seigneur fut sur moi, et m'ayant mené dehors par l'esprit du Seigneur, elle me laissa au milieu d'une campagne qui étoit toute couverte d'ossemens. Alors le Seigneur me dit : Prophétise à l'Esprit; fils de l'homme, dis à l'Esprit : Venez des quatre-vents, et soufflez sur ces morts, afin qu'ils revivent, etc. » F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, pp. 293-294.
34. Nous avions appris la mort de la mère Alippe le matin en sortant de nos cellules. On s'abordait tristement, on pleurait, on était triste, mais calme, car dès la veille la digne créature était condamnée et était entrée dans son agonie. On nous avait caché cette lutte suprême, mais sans nous laisser d'espoir. Par un sentiment de respect pour le repos de l'enfance, ces tristes heures s'étaient écoulées sans bruit. Nous n'avions entendu ni son de cloche, ni prières des agonisants. Le lugubre appareil de la mort nous avait été voilé. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, pp. 223-224.
35. Cette conversation qui continuait, à bâtons rompus, sur la Trappe, finit par se fixer sur la mort dans les cloîtres et M. Bruno divulgua quelques détails. − Quand la mort est proche, fit-il, le Père Abbé dessine sur la terre une croix de cendre bénite que l'on recouvre de paille et l'on y dépose, enveloppé dans un drap de serge, le moribond. Les frères récitent auprès de lui les prières des agonisants et, au moment où il expire, on chante en chœur le répons : « Subvenite sancti dei ». Le Père Abbé encense le cadavre qu'on lave tandis que les moines psalmodient l'office des trépassés dans une autre pièce. J.-K. Huysmans, En route,t. 2, 1895, pp. 235-246.
36. Cependant la vie baissait. Soudain la mère tenta de se dresser : elle demanda Gaspard dans un souffle (...). Puis elle se trouva si mal qu'il fallut dire les prières des agonisants : « Rendez-vous propice, pardonnez-lui, Seigneur, Rendez-vous propice, secourez-la, Seigneur... » H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, pp. 105-106.
Rem. 2. Agonisant adj. et subst. est en outre souvent associé paradigmatiquement ou syntagmatiquement, avec les termes suiv. : a) Subst. chambre, lit, prières, vie; b) Subst. ou adj. moribond, mort, mourant, vivant; c) Verbes assister, expirer, mourir, rendre l'âme, vivre.
Prononc. ET ORTH. : [agɔnizɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t]. − Rem. Fér. 1768 : ,,Danet et Du Cange écrivent, à cause de l'étymologie, agonizant, agonizer avec un z mais l'usage le plus autorisé est d'écrire ces mots avec une s.`` Enq. : /agonizã, -t/.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 370. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 303, b) 563; xxes. : a) 940, b) 446.

AGONISER1, verbe intrans.

AGONISER1, verbe intrans.
Être à l'agonie (cf. agonie).
A.− Littér. Être dans un état d'extrême souffrance morale, de très grand abattement spirituel (cf. agonie A).
1. [En parlant du Christ] :
1. Je suis bien sûre, Monsieur, que votre âme se fait de plus en plus religieuse, depuis que vous êtes de plus en plus seul et veuf et affligé. (...). Avec cela on ne souffre pas moins, mais on souffre en chrétien, en union avec Jésus agonisant de tristesse, qui est entré au ciel par le calvaire. E. de Guérin, Lettres,1840, p. 376.
2. P. ext. [Appliqué par hyperb., notamment au domaine de la passion amoureuse] :
2. ... s'il ne me restait dans l'état de détresse où mon âme agonise douloureusement qu'une idée, qu'une espérance, qu'une ressource, celle de mériter et d'obtenir avant ma mort une petite place, Gubetta, un peu de tendresse, un peu d'estime dans ce cœur si fier et si pur; (...); comprendrais-tu alors, dis, Gubetta, pourquoi j'ai hâte de racheter mon passé, de laver ma renommée,... V. Hugo, Lucrèce Borgia,1833, I, part. 1, 2, pp. 25-26.
3. Ah! la vie est lourde et je souffre horriblement. Tout cela m'a abruti. (...), j'irai à Concarneau et j'y resterai le plus de temps possible, pour prendre l'air, pour sortir du milieu où j'agonise. J'avais cru jusqu'à présent que la mort était le pire des maux. Eh bien, non! La douleur la plus poignante c'est de voir l'humiliation de ceux qu'on aime. Ma pauvre nièce me déchire le cœur, précisément parce qu'elle est très courageuse, très noble. G. Flaubert, Correspondance,suppl., 1875, p. 186.
4. Ah! cet effort de création dans l'œuvre d'art, cet effort de sang et de larmes dont il agonisait, pour créer de la chair, souffler de la vie! Toujours en bataille avec le réel, et toujours vaincu, la lutte contre l'ange! Il se brisait à cette besogne impossible de faire tenir toute la nature sur une toile, épuisé à la longue dans les perpétuelles douleurs qui tendaient ses muscles, sans qu'il pût jamais accoucher de son génie. É. Zola, L'Œuvre,1886, p. 267.
5. J'aime tant être seul que je ne puis même supporter le voisinage d'autres êtres dormant sous mon toit; je ne puis habiter Paris parce que j'y agonise indéfiniment. Je meurs moralement, et suis aussi supplicié dans mon corps et dans mes nerfs par cette immense foule qui grouille, qui vit autour de moi, même quand elle dort. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Qui sait? 1890, p. 1187.
B.− Courant
1. [Chez un être vivant] Arriver aux derniers instants de sa vie, au terme de son existence (cf. agonie B 1).
a) [En parlant d'une pers.] :
6. « Mes amis, maintenant retirez-vous; priez pour moi, et laissez-moi endurer en paix le dernier travail de la mort. » Il se tourna de l'autre côté, se fit lire la Passion, et commença d'agoniser. Peu après, il rendit le dernier soupir entre les bras de son ami le sire de la Rivière. P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-1824, p. 189.
7. Crémieux est mourant. Le grand auteur des bouffes-parisiens, en plein délire, agonise en faisant des imitations d'acteurs. Mourir en imitant Désiré, c'est effroyable! Il passera dans une cascade. Ne dirait-on pas la mort se blaguant elle-même dans le cerveau d'un vaudevilliste? E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1862, p. 1022.
8. ... Gamelin fut appelé auprès du citoyen Fortuné Trubert, qui agonisait à trente pas du bureau militaire où il avait épuisé sa vie, sur un lit de sangle, dans la cellule de quelque Barnabite expulsé. Sa tête livide creusait l'oreiller. Ses yeux, qui ne voyaient déjà plus, tournèrent leurs prunelles vitreuses du côté d'Évariste; sa main desséchée saisit la main de l'ami et la pressa avec une force inattendue. Il avait eu trois vomissements de sang en deux jours. Il essaya de parler; sa voix, d'abord voilée et faible comme un murmure, s'enfla, grossit : ... A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 197.
9. Mais on ne lutte pas avec la mort; et la mort étreignait le sergent, le serrant un peu plus tous les jours. Un soir, enfin, on hocha la tête. Sa mère était à Paris. L'infirmière-major demanda l'aumônier. On avait mis un paravent, comme toujours pour cacher les moribonds, en sorte que l'on ne pouvait rien voir : ni le prêtre, ni les sœurs, ni l'agonisant. Mais sur le mur blanc, ils se projetaient en silhouettes noires, énormes, et c'était comme une extrême-onction sinistre et géante au pays des ombres. − Gaspard et Dudognon avaient la gorge serrée. Le sergent agonisait, mais ne mourait pas. Il avait toute sa tête, et il lui semblait, se raccrochant à la suprême espérance de ceux qui meurent la nuit, que s'il atteignait le jour... R. Benjamin, Gaspard,1915, p. 99.
10. Une vieille femme, l'autre jour, une très vieille femme mourait dans mon voisinage. (...). Elle agonisa lentement, mais doucement. La mort, tardive, semblait regretter de détruire ce chef-d'œuvre animé, cette argile humaine si noblement pétrie. Elle, cependant, la sentait approcher. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 2, 1928, p. 267.
11. Parfois, la hâte des Allemands à se débarrasser de tous ceux qui n'étaient plus capables de se mouvoir seuls amenait des méprises tragiques : comme en cette fin d'après-midi où un Russe, transporté à la morgue encore moribond et jeté sur le ciment parmi d'authentiques cadavres, agonisa et gémit pendant trois longues heures avant d'expirer tout de bon. F. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 172.
12. Affamer un ouvrier, rosser un noir ou un jaune est, parfois, une cruelle exigence de l'équilibre d'une firme : agir de même pour la grandeur du pays passera pour une décision de politique réaliste. Voir agoniser quelqu'un n'est jamais plaisant : mais les agonies se perdent dans les moyennes numériques et la statistique des cadavres ne s'inscrit pas dans une courbe croissante de revenu global ou moyen. F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 354.
P. ext. [En parlant d'une collectivité hum.] :
13. Oh! villes de couvents, villes de catéchistes, Avec la sainte odeur des encens et des cires, Villes s'assoupissant, si doucement martyres De n'avoir pas été suffisamment aimées, Qui, dégageant le gris mourant de leurs fumées Comme une plainte d'âme exténuée et vierge, Agonisent dans le brouillard qui les submerge. G. Rodenbach, Le Règne du silence,1891, pp. 226-227.
14. L'Espagne agonise sous le joug de l'Église romaine. L'Italie parut succomber. Elle n'a retrouvé la vie qu'en se libérant du pape, refoulé dans le Vatican. Restent l'Autriche catholique en proie aux suprêmes convulsions, et la France de la révolution contre qui toute l'armée papale, à l'heure présente, déploie ses bataillons. G. Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 152.
b) [En parlant d'un animal, gén. domestique] :
15. Sa carcasse vacillante et comme prise d'ivresse donnait tantôt contre un brancard, tantôt contre l'autre. Il élevait la tête découvrant ses gencives, puis il la baissait comme s'il eût voulu mordre la neige. Son heure était arrivée, il agonisait debout en brave cheval qu'il avait été. Enfin il s'abattit et, lançant une faible ruade défensive à l'adresse de la mort, il s'allongea sur le flanc pour ne plus se relever. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 164.
16. Le canon pour eux c'était rien que du bruit. C'est à cause de ça que les guerres peuvent durer. Même ceux qui la font, en train de la faire, ne l'imaginent pas. La balle dans le ventre, ils auraient continué à ramasser des vieilles sandales sur la route, qui pouvaient « encore servir ». Ainsi le mouton, sur le flanc, dans le pré, agonise et broute encore. La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre. L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 46.
c) [En parlant d'un végétal] :
17. ... mais si ces plantes résistaient, d'autres agonisaient ou étaient tout à fait mortes; les soleils, devenus secs, étaient horribles. Ils dressaient, ainsi qu'après un incendie, des hampes calcinées au bout desquelles pendaient des feuilles noires et des disques de la forme des pommes de douche; et ces disques brûlés les entraînaient par leur poids, en de mornes saluts, au moindre vent. J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 109.
2. Au fig. Toucher à sa fin (cf. agonie B 2).
a) [En parlant d'une réalité hum. abstr.] :
18. Et puis, j'ai commencé à baisser; je ne m'en apercevais pas; je passais mon temps à « me parler » au lieu de « me réaliser »... La flamme s'éteignait. J'avais toujours les mêmes ambitions, mais rien ne les motivait plus. J'accouchais bien encore, par-ci, par-là, d'une idée neuve, mais c'était par une sorte de convulsion, le soubresaut d'une faculté qui agonise... La belle, la facile, la vivante éjaculation cérébrale était tarie! J'ai fini par découvrir avec horreur que j'étais desséché, que mon intelligence n'était plus qu'un reflet, que le germe de vie qui avait palpité en moi était mort! J'ai voulu étouffer cette odeur de cadavre, je me suis débattu, j'ai lutté, j'ai fait tout ce que j'ai pu, mon pauvre vieux, mais en vain... Et maintenant il est trop tard : tout ça est fini, bien fini! R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 176.
19. ... les rêves enfantins d'une femme de ménage agonisent sur la pierre froide d'un évier comme des poissons suffoquant et crevant sur des galets brûlants. J. Prévert, Paroles,Lanterne magique de Picasso, 1946, pp. 287-288.
b) [En parlant d'une entreprise, d'une chose créée par l'homme] :
20. De François II à Louis XV, le mal a crû en progression géométrique. L'art n'a plus que la peau sur les os. Il agonise misérablement. Cependant, que devient l'imprimerie? Toute cette vie qui s'en va de l'architecture vient chez elle. À mesure que l'architecture baisse, l'imprimerie s'enfle et grossit. V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 221.
21. Il est juste de reconnaître que M. Montagu Norman était en congé au moment où agonisait l'étalon-or; pouvait-on sauver le moribond? (...), les crédits engagés en Allemagne ne se laissèrent pas dégeler, toutes les banques du monde s'adressèrent, comme toujours, à la place de Londres, et la livre attaquée de tous côtés s'effondra. P. Morand, Londres,1933, p. 291.
c) [En parlant du temps, de la durée, notamment du jour] :
22. Le jour terne qui agonisait sur cette immensité boueuse, avait une clarté louche, sans reflet, dont la teinte sale faisait monter le dégoût à la gorge. Cette heure trouble d'une matinée d'hiver est poignante pour les gens qui ont veillé toute la nuit. É. Zola, Madeleine Férat,1868, p. 165.
23. Quelquefois, je sens la caresse du temps qui passe d'autres fois − le plus souvent − je le sens qui ne passe pas. De tremblantes minutes s'affalent, m'engloutissent et n'en finissent pas d'agoniser; croupies mais encore vives, on les balaye, d'autres les remplacent, plus fraîches, tout aussi vaines; ces dégoûts s'appellent le bonheur; ... J.-P. Sartre, Les Mots,1964, pp. 75-76.
Stylistique − À noter que agoniser reçoit pour équivalents synon. ou anton. les verbes suiv. : s'en aller, baisser, décliner, disparaître, s'effondrer, s'éteindre, expirer, finir, (se) mourir, passer, souffrir, succomber, tarir, tirer ou toucher à sa fin, vivre.
Prononc. : [agɔnize], j'agonise [ʒagɔni:z]. Enq. : /agoniz/. Conjug. parler.
Étymol. ET HIST. − 1. 1372-1374 agonizer « combattre » (Oresme, Politiques 2ep., fo97e, éd. 1489 ds Gdf. : Ne agonizeroit ou emprendroit soy combattre en aucun bon peril), seulement au xives.; 2. 1587 agonisant, part. prés. adjectivé « qui est à l'agonie » (Taillepied, Antiq. de Pontoise, 78, éd. 1876 d'apr. Quem. t. 1 1959); 1671 agoniser (Mmede Sévigné, Lettres, 15 mai 1671 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 1 1865 : L'abbé de Foix se meurt; il a reçu tous ses sacrements, il agonise; cela est pitoyable). Sens 1 empr. au lat. chrét. agonizare « lutter » (Vulgate, I épitre de Paul aux Corinthiens 9, 25 ds Blaise 1954 : omnis qui agonizat); sens 2 dér. de agonie* étymol. 2; cf. lat. médiév. (1012-1018 Thietmar, Chron., 4, 67 ds Mittellat. W., s.v., 406, 19 : quem agonizantem mater ... consolatur).
BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Caput 1969. − Hanse 1949. − Lav. Diffic. 1846. − Marcel 1938. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 60. − Sain. Lang. par. 1920, p. 15. − Spr. 1967. − Thomas 1956. − Vinc. 1910.

AGONISER2, verbe trans.

AGONISER2, verbe trans.
Synon. pop. ou fam. de agonir*.
A.− Agoniser qqn de qqc. :
1. C'est une fille brune, aux cheveux crêpés et bouffants aux yeux d'acier, aux pommettes rougies de larmes séchées. Elle est piétée dans une pose de défi, agonisant d'injures officiers et soldats, d'injures qui sortent d'un gosier et de lèvres si contractés par la colère, qu'elles ne peuvent se traduire dans des sons, dans des paroles. Sa bouche rageuse et muette mâche l'insulte, sans pouvoir la faire entendre. E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1871, p. 814.
2. ... ils étaient fâchés avec leurs voisins parce que la mère Tuvache les agonisait d'ignominies, répétant sans cesse de porte en porte qu'il fallait être dénaturé pour vendre son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperie. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Aux champs, 1882, p. 79.
3. Voici mon histoire avec Retté. Sur le nom d'Hugo prononcé par l'un de nous, Retté dit quelque chose comme « Hugo, un crétin! » je trouvai bon de relever ce jugement par un mot légèrement ironique. Mais sur mon mot, ne voilà-t-il pas que Cladel donne un formidable coup de poing sur la table et agonise ledit Retté, pendant un quart d'heure, d'épithètes outrageantes. Or depuis ce jour, chaque fois que je publie un volume, Retté n'a de cesse qu'il n'ait trouvé une revue, un journal voulant bien accepter un éreintement féroce de mon bouquin. E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1893, p. 488.
B.− Agoniser qqn :
4. Elle eut un sursaut, et lâchant sa voix, lâchant sa colère, elle cria : « C'est pour ça qu' vous êtes venus, dites? Pour m'insulter, quoi? Parce que mes enfants sont comme des bêtes, dites? Vous ne le verrez pas, non, non, vous ne le verrez pas; allez-vous-en, allez-vous-en. J'sais t'i c' que vous avez tous à m'agoniser comme ça? » G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Mère aux monstres, 1883, p. 367.
5. V'là t'y pas qu'y se permet de lever la main sur moi : un soldat français! La moutarde me monte au nez, et je lui allonge une raclée, mais une de ces raclées!... Et pour ne pas être en reste avec lui, car y m'agonisait dans son langage de mauvais chrétien, je lui disais en lui tapant dessus : tiens, sidi, tiens, cochon d' sabir, attrape ça, chouia barca! À la fin, y n' voulait pu rien savoir. Alors moi, je suis parti tranquillement, en fumant mon cigare. É. Moselly, Terres lorraines,1907, pp. 101-102.
6. Seulement on aurait dit aussi la carne qu'elle n'attendait que ce moment-là que je me déboutonne pour me traiter à son tour de tous les noms de salauds qu'elle savait! Elle en a bavé alors et même plus qu'il en fallait. « Voleur! Fainéant! qu'elle m'agonisait... Vous avez même pas de métier!... Ça va faire un an bientôt que je vous nourris ma fille et moi!... Propre à rien!... Maquereau!... » T'entends ça d'ici? Une vraie scène de famille... Elle a comme réfléchi un bon coup et puis elle l'a dit plus bas, mais tu sais alors elle l'a dit et puis de tout son cœur « Assassin!... Assassin! » qu'elle m'a appelé. Ça m'a refroidi un peu. L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, pp. 559-560.
Rem. 1. Sur l'orig. pop., voire dial. :
7. Agoniser. v. a. Insulter, injurier, outrager de paroles. Après avoir agonisé sa femme, il l'a chassée du logis. Terme suisse, savoisien, comtois, lorrain, etc. Nous disons aussi, avec un complément indirect, agoniser de sottises, agoniser d'injures. Dans le langage parisien populaire on dit : Agonir, Agonir quelqu'un de mauvais propos. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 10.
8. Dans ses tableaux et ses dialogues, Vadé manie avec beaucoup de bonheur le bas-langage de l'époque (...). C'est grâce à lui qu'ont été propagés quelques-uns des mots populaires que nous allons passer en revue. Agoniser, accabler d'injures, se lit tout d'abord dans le IIIeBouquet poissard de Vadé : « Ne l'agonisons plus... », à côté d'agonir, dans une comédie du même, Les Racoleurs, 1756, sc. XIV : « Ah ça, Monsieux, je suis reconnaissante; tiens, ma fille, sans ly j'étais agonie par ste femme... ». D'Hautel donne cette dernière forme : « Agonir quelqu'un de sottises, l'injurier, l'invectiver de paroles sales et outrageantes ». La première a soulevé les protestations des grammairiens (...). Le passage du neutre à l'actif qu'à subi agonir ou agoniser est pourtant un phénomène courant dans le développement historique de la langue : « Être à l'agonie » devint « mettre à l'agonie » à force d'injures. L'une et l'autre formes sont encore usuelles aussi bien dans les parlers provinciaux (Berry, Poitou, Normandie, etc.) que dans le langage parisien : « Ces zigues d'attaque qui... étaient agonisés de sottises, traînés dans la boue... », Almanach du Père Penard, 1894, p. 53. − « On ne trouvait assez de mots dans les journaux pour l'agonir », Bercy, XXIIelettre, p. 4. Sain.Lang. par.1920, pp. 14-15.
Rem. 2. Les grammairiens ont mis en relief l'attraction paron. de agonir par agoniser1, parfois pour la condamner :
9. Agonir quelqu'un de sottises, l'injurier, le honnir, l'invectiver de paroles sales et outrageantes. Quelques uns disent agoniser. Ces deux manières de parler sont également vicieuses. J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage,1813, p. 5.
10. Agoniser, verbe neutre, signifie être à l'agonie et n'a pas d'autre sens. Agoniser quelqu'un d'injures est un barbarisme né du besoin factice et déraisonnable d'allonger avec des suffixes mille mots qui s'en passeraient bien. Le terme populaire agonir serait ici seul de mise, si, d'ailleurs, il n'était pas lui-même probablement la corruption d'un verbe plus correct. (ahonir, faire honte, verbe ancien, encore usité en Normandie, d'après Littré). P. Stapfer, 1909 (Spr. 1967, p. 390).
11. L'attraction, aussi bien sémantique que morphématique, naît par mégarde. Aussi est-elle plus fréquente dans le langage populaire que dans la langue littéraire. C'est surtout dans la bouche des gens illettrés qu'elle atteint non seulement les mots empruntés et spéciaux, mais encore les mots couramment employés. On confond sujétion avec suggestion, conjecture avec conjoncture, agonir avec agoniser (agoniser d'injures au lieu d'agonir d'injures). Duch.1967, § 31, 2, pp. 103-104.
D'autres ont expliqué agoniser comme un essai pop. de normalisation de agonir, qui passait ainsi à une conjug. plus vivante :
12. Vous faisez : ceci représente brutalement la tendance de la langue française à ramener tous ses verbes à la première conjugaison. L'anonyme cite agoniser pour agonir (de sottises); il y en a bien d'autres, et on les constaterait surtout dans le langage des enfants. J'ai entendu : buver, cuiser, romper, pleuver, mouler, chuter pour boire, cuire, rompre, pleuvoir, moudre, choir. R. de Gourmont, Esthétique de la langue française,1899, p. 159.
Rem. 3. Pour l'étymol. cf. agonir. Comme le montrent les ex., on trouve agoniser notamment aux formes où l'emploi de agonir obligerait l'emploi des formes en -iss-, que la lang. a prob. cherché à éviter, qui en tout cas ont pu servir de point de départ à l'attraction paron.; celle-ci a pu être d'autre part renforcée par l'anal. de verbes comme brutaliser, martyriser, tyranniser, et par l'analyse sém. de verbes comme humaniser, immortaliser « rendre humain, immortel » (d'où agoniser « rendre agonisant »).
Étymol. ET HIST. − Av. 1757 trans. « accabler d'injures » (Vadé, IIIeBouquet poissard ds Sain. Lang. par. 1920, p. 15 : Ne l'agonisons plus). Sens empr. par agoniser1à agonir*.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 370. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 83, b) 745; xxes. : a) 1 095, b) 441.
BBG. − Thomas 1956.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·